Accident du travail

Pour la famille d’un ouvrier mort sur un chantier du Grand Paris, deux ans d’abandon et de questions sans réponse

Accident du travail

par Pierre Jequier-Zalc

Maxime Wagner est mort sur le chantier de la ligne 14 en mars 2020. Malgré une enquête de l’inspection du travail pointant de nombreuses défaillances de l’employeur, sa famille n’a reçu aucune information pendant plus de deux ans.

« Qu’est ce qui est arrivé à papa ? Pourquoi ça n’est pas arrivé au papa de ma copine ? » Noémie a 4 ans et ces questions, elle les pose à sa mère, Aurène, de plus en plus régulièrement. Son père s’appelait Maxime Wagner. Le 28 février 2020 il a été victime d’un dramatique accident du travail. Comme nous vous le racontions début mars, cet intérimaire de 37 ans travaillait dans le tunnelier - cette énorme machine qui creuse et construit les tunnels plusieurs mètres sous terre - du prolongement de la ligne 14 au sud de Paris. Alors qu’il s’affairait à déboucher et à nettoyer une conduite en métal dont la partie finale est souple, celle-ci, du fait de la pression, est venue faire un large mouvement de coup de fouet et a violemment heurté la tête de l’ouvrier intérimaire. Admis à la Pitié-Salpêtrière dans le coma, il y décède trois semaines plus tard, dans la nuit du 18 au 19 mars, dans l’anonymat le plus total, alors que la France vient de rentrer dans son premier confinement.

Maxime Wagner
Maxime Wagner, accompagné à droite de sa fille, Noémie, et de sa belle-fille, Hanaé.

Quelques mois plus tard, en septembre 2020, l’inspection du travail rend son enquête au parquet de Créteil. Ses conclusions, auxquelles Basta! a pu avoir accès, sont on ne peut plus claires. La responsabilité de l’entreprise qui employait Maxime Wagner, Dodin Campenon-Bernard, une filiale de Vinci, est engagée. Plusieurs délits potentiels sont relevés (voir notre article sur la mise en examen de l’employeur). Ce procès-verbal a été transmis au parquet de Créteil en septembre 2020 sans que des poursuites ne soient entamées, et ce, jusqu’en avril 2022.

« Je n’ai jamais eu une seule information. Ça me bouffait la vie. »

Toutes les informations que vous venez de lire, la famille de Maxime Wagner ne les connaissait pas avant la parution, à quelques jours d’intervalles, de deux enquêtes de Basta! et de Libération début mars 2022. Presque deux ans, jour pour jour, après le décès de Maxime Wagner. Au point que Patricia, sa mère, avait essayé de passer à autre chose. « Pendant des mois et des mois, j’ai envoyé des mails, j’ai passé des coups de téléphone. On ne me répondait presque jamais, je n’ai jamais eu une seule petite information sur l’enquête. Ça me bouffait la vie, j’étais sous antidépresseur, j’avais tout le temps la boule au ventre. Au bout d’un an et demi, je me suis dit j’arrête tout, j’essaie d’avancer », raconte la mère de six autres filles, ouvrière dans l’agroalimentaire. Maxime était son aîné. « Elle était tellement épuisée… Elle allait péter un plomb. Donc elle a tout arrêté, mais l’espoir que la vérité soit dite est resté », explique sa seconde fille, Pascaline.

C’est cet espoir qui pousse Patricia à chercher toutes les trois ou quatre semaines, le nom de son fils sur Internet. Pendant deux ans, rien, pas une ligne sur cet intérimaire mort sur les chantiers du Grand Paris. Puis un jour d’avril, en pleine fête d’anniversaire de sa seconde fille Pascaline, un résultat apparaît enfin. « Je me souviens précisément, j’étais sur le canapé avec une de mes filles. En tombant sur l’article je lui ai dit : ça y est, on parle enfin de Maxime. » En quelques minutes, l’article est lu et envoyé à toute la famille. « On s’était fait à l’idée que ce n’était pas de chance, qu’il était juste au mauvais endroit au mauvais moment. À sa lecture, on a été bouleversé », résume Julie, sa jumelle.

Entre les causes structurelles de ces chantiers, qui ont déjà tué ou blessé très grièvement quinze personnes en deux ans, et le procès-verbal de l’inspection du travail pointant les potentiels manquements de l’entreprise, notre enquête donne une tout autre vision de l’affaire. « Je n’arrête pas de la relire, même si à chaque fois c’est aussi douloureux », souffle Aurène, la compagne de Maxime. « Depuis le début je veux savoir ce qu’il s’est passé, je veux donner des réponses à la petite. Jusqu’à aujourd’hui, personne ne nous a rien dit ».

Amel, la première conjointe de Maxime Wagner avec qui il a eu Sannah, une jeune fille de 11 ans, abonde : « Ma fille me demande des informations. Pourquoi son père est mort au travail ? Quand elle veut des réponses concrètes, c’est difficile, je dis que je ne sais pas, je n’ai pas de renseignements. » Ce 11 mai 2022, nous avons appris, par la voix de Stéphane Le Tallec, le vice-procureur en charge de la division économique financière et commerciale du parquet de Créteil, qu’une audience se tiendra le 9 juin prochain (voir boîte noire en fin d’article). Au moment où nous recevons cette information, aucun membre de la famille de Maxime Wagner n’est au courant de cette audience. Pas plus que Catherine Louinet, l’avocate d’Amel. « Le 9 juin ? Dans quatre semaines ? Vous êtes sûr ? », interroge Patricia, étonnée. La convocation pour l’audience n’arrivera que 24 heures plus tard dans leur boîte aux lettres.

Accidents du travail sur les chantiers du Grand Paris
Carte des accidents graves et mortels sur les chantiers liés au Grand Paris (Grand Paris Express, prolongements de ligne et Jeux olympiques) recensés depuis janvier 2020.
Christophe Andrieu

Comment en est-on arrivé à ce qu’une famille n’obtienne presque aucune réponse sur la mort de l’un des leurs pendant plus de deux ans ? À l’aide de leurs témoignages et de nombreuses pièces, Basta! a pu redessiner le fil de ces deux années de questions sans réponse.

« Comment penser qu’on peut laisser sa peau au travail en France en 2020 ? »

Tout commence donc le 28 février 2020. Cela fait près de trois mois que Maxime Wagner est « mineur », le nom donné aux ouvriers qui travaillent dans les tunneliers, pour l’entreprise Dodin Campenon-Bernard sur le chantier de prolongement de la ligne 14. « Au début il avait un poste différent, mais comme il se débrouillait bien et qu’il apprenait vite, ils l’ont mis à ce poste », raconte Aurène. À la base, Maxime Wagner est foreur. Depuis qu’il a emménagé avec sa conjointe en région parisienne, il travaille au sein d’une boîte d’intérim. « Quand il m’a dit qu’il allait être mineur dans un tunnelier, j’ai cherché sur Internet ce que c’était. J’ai lu que c’était dangereux. Je l’ai rappelé pour lui dire de ne pas faire ce job », confie Patricia. « Ne t’inquiète pas, je fais ça quelques mois, le temps de me renflouer financièrement, c’est bien payé », lui répond-t-il. « En même temps, comment penser qu’on peut laisser sa peau au travail en France en 2020 ? », souffle Julie.

C’est peu après 20 heures, dans une journée qu’il avait commencé à 14 h 30, que Maxime Wagner est victime de son grave accident. Sur la déclaration d’accident du travail, il est indiqué que la canalisation a percuté le côté droit de sa tête provoquant une hémorragie cérébrale. Sa compagne est contactée et prévient le reste de la famille qui vit essentiellement dans l’Aveyron. Les nouvelles ne sont pas rassurantes et à la Pitié-Salpêtrière, on le change trois fois de service. « À chaque fois, on nous dit la même chose : ses chances sont extrêmement minimes », souffle Patricia. Sa première fille vient aussi à son chevet quelques jours. « Sannah c’était l’amour de sa vie. À l’hôpital elle a beaucoup souffert. Elle souffre toujours aujourd’hui », explique Amel.

Maxime Wagner
Maxime Wagner avec sa première fille, Sannah.

En parallèle le Covid déferle sur l’hexagone, notamment dans les hôpitaux. Au fil des jours, les visites deviennent de plus en plus restreintes jusqu’à ne plus être autorisées du tout. « On avait une heure pour le voir, sa compagne, ses filles, ses sœurs, moi… », se rappelle sa mère. Le 15 mars, elle retourne dans l’Aveyron, sans savoir ce qu’il adviendra de son fils. Le 18, l’hôpital l’appelle en lui disant de revenir. Ils ne peuvent plus rien faire. Accompagnée de sa fille Pascaline, Patricia retraverse la France vide, confinée depuis 24 heures. Maxime Wagner meurt dans la nuit du 18 au 19 mars. Une autopsie est demandée par le procureur. Puis plus rien. « Le confinement a tout verrouillé, on n’a eu aucune information », explique sa mère. « Cette période était extrêmement dure », note Aurène. « Ma fille n’arrivait plus du tout à dormir. Elle venait dans mon lit tous les soirs, toutes les lumières allumées avec une photo de son papa à côté d’elle », complète Amel, la mère de Sannah.

Entre juin 2020 et mai 2022, aucune nouvelle du Parquet de Créteil

Si le confinement ralentit forcément la procédure, il n’altère aucunement la volonté de ces femmes d’obtenir la vérité et la justice sur les responsabilités de cet accident de travail. Dès le 2 avril, Patricia écrit à l’officier de police judiciaire en charge de l’enquête : « Aujourd’hui je veux des réponses sur ce qu’il s’est réellement passé car je n’en ai pas. Je veux déposer plainte et me porter partie civile afin d’avoir des réponses. Merci de me dire auprès de qui je dois le faire ». Elle reçoit une réponse, vague, onze jours plus tard : « Une procédure est actuellement en cours afin de déterminer les causes et les responsabilités. Elle risque d’être longue et est suivie par le magistrat du tribunal judiciaire de Créteil ». Elle envoie finalement un courrier directement au parquet de Créteil début juin pour se porter partie civile. Quelques jours plus tard, une réponse de la vice-procureure en charge de la division économique financière et commerciale - qui gère les procédures d’accidents de travail – confirme que la constitution de partie civile est validée. Nous sommes le 18 juin 2020. Du parquet de Créteil, Patricia n’aura plus aucune nouvelle pendant 23 mois.

Aurène, de son côté, cherche à porter plainte. « C’était difficile de se déplacer, donc je suis allée au commissariat dès que j’ai pu ». Elle vit en Seine-et-Marne, et se rend donc au commissariat le plus proche. L’accueil n’y est pas des meilleurs. « On m’a renvoyé en me disant qu’il fallait que je porte plainte là où l’accident s’était déroulé ». La mère de deux filles de 4 et 6 ans s’exécute et se rend au commissariat qui gère l’enquête sur l’accident de travail de son conjoint, à proximité de Paris, dans le Val-de-Marne. La réception n’est pas meilleure. « La personne qui m’a reçue n’était vraiment pas gentille. Elle a bien voulu prendre ma plainte mais elle m’a reproché de ne pas l’avoir fait dans mon département », raconte la femme de 38 ans, cuisinière en EHPAD. Problème, ce policier n’est autre que la personne en charge de l’enquête. Après cette interaction, et malgré l’absence de nouvelles sur la procédure en cours, Aurène ne la rappellera jamais. « Vu que ça ne c’était vraiment pas bien passé, je n’ai jamais osé. »

« L’inspecteur du travail qui a réalisé cette enquête est très bon. Sur l’affaire Maxime Wagner, il s’est vraiment démené »

Pourtant, côté inspection du travail, l’enquête avance bien. Dès septembre 2020, le procès-verbal est rédigé. Comme raconté dans Basta!, il conclut à l’existence de plusieurs délits potentiels de la part de Dodin Camenon-Bernard dans la mort de Maxime Wagner. Aucune poursuite judiciaire n’est engagée sur le coup. Pis, même au sein de l’inspection du travail, on ne comprend pas ce silence radio de la part du parquet. « L’inspecteur qui a réalisé cette enquête est très bon. C’est un chevronné. Sur l’affaire Maxime Wagner, il s’est vraiment démené », assure une source bien informée au sein de l’inspection du travail. Celle-ci affirme même que l’inspecteur a demandé à rencontrer le substitut du procureur pour lui donner le procès-verbal en main propre. Sans que cela n’accélère les choses. « On a dû attendre près d’un an pour que ce PV soit bien enregistré par le parquet après plusieurs relances… »

Comment expliquer alors cette lenteur ? Une des pistes envisagées par cet inspecteur est que l’enquête bloque du côté de la police, qui est cosaisie avec l’inspection du travail sur ce type d’accidents. « Je ne sais pas si c’est le cas ici, mais en général quand le dossier atterri sur le bureau de l’OPJ, c’est fini, il sert à caler une table… » Car l’officier de police judiciaire n’est pas spécialisé en accident du travail et doit aussi gérer le tout-venant. La plupart du temps, ces dossiers ne sont pas les plus prioritaires. Interrogé sur ces questions, le vice procureur Stéphane Le Tallec répond ceci : « Les dossiers d’accident du travail ne sont pas les plus simples à traiter en raison de leur complexité mais aussi en termes de coordination des investigations qui font intervenir à la fois, les services de l’inspection du travail et les services de police saisis par le parquet de Créteil ».

« J’avais préparé un courrier pour dire que j’arrêtais tout »

Dans l’affaire Maxime Wagner, l’exemple est criant. La personne en charge de l’enquête est le seul contact direct dont dispose Patricia pour essayer de suivre les avancées des investigations. Pendant un an et demi, cette dernière lui envoie donc de nombreux mails en demandant des renseignements. En septembre 2020, on lui indique qu’il lui reste « deux auditions à faire cette semaine » et qu’à l’issue de celle-ci, elle « rend compte au Magistrat qui peut donner de nouvelles instructions ». Après une nouvelle relance fin novembre, l’OPJ explique à Patricia qu’il a été changé de service et que l’enquête est finalement toujours en cours. « J’ai conservé mes anciens dossiers, dont l’enquête suite à l’accident du travail de votre fils et de nouveaux dossiers m’ont été attribués. J’essaie de gérer l’ensemble au mieux », écrit-il, témoignant d’une surcharge évidente de travail. Trois mois plus tard, en février 2021, et après de nombreux mails de relance restés sans réponse, Patricia reçoit ce message : « Je tiens à m’excuser pour ce retard et je vous précise que suite à des soucis médicaux, j’ai été arrêté, je ne travaillais pas. La procédure concernant l’accident de travail est toujours en cours ».

Après quelques semaines d’attente, la mère de Maxime Wagner décide d’abandonner ces procédures qui minent son moral. « J’avais même préparé un courrier au tribunal pour dire que j’arrêtais tout, que je ne voulais plus être partie civile. Je l’ai retrouvé récemment, je ne l’ai jamais envoyé. » Selon nos informations, une première enquête a été rendue par la police au parquet en 2021 qui l’a renvoyée au même service de police en novembre 2021 pour des investigations complémentaires. Interrogé sur ce délai et sur les éventuels points de blocage dans l’enquête policière, le parquet de Créteil ne nous a pas répondu sur ce sujet, soulignant juste que « l’identification des causes exactes de l’accident et des textes concernés par les manquements éventuels et l’articulation avec le code pénal impliquent un lourd travail d’analyse ».

C’est plus d’un an après son dernier mail, en mars 2022, que Patricia décide de venir aux nouvelles. Les enquêtes de Libération et de Basta! viennent alors d’être publiées coup sur coup. « Je fais le point avec le parquet cette semaine », lui répond l’OPJ avant d’ajouter, quelques jours plus tard, « des auditions sont prévues courant avril et ensuite le dossier sera transmis au parquet de Créteil ». Le 27 avril dernier, suite à un énième mail de relance, Patricia apprend que la procédure est terminée et a été transmise au parquet. Sur le fond, aucune information n’a été communiquée à Patricia ou à Aurène au cours de ces deux ans. Seule Amel a réussi en 2020, après un coup de téléphone au parquet, à obtenir un extrait du rapport d’autopsie. Il confirme l’absence de substance toxicologique et la plausibilité des « circonstances » de l’accident de travail.

L’entreprise poursuivie pour homicide involontaire

Une fois l’enquête de police close, il reste au parquet de Créteil de décider d’engager des poursuites, ou non. Au sein de l’inspection du travail, on avoue, avant d’apprendre qu’une date d’audience est fixée, être dans le noir total : « À Créteil, franchement, on ne sait rien, absolument rien ». Au sein de la famille aussi, les contacts avec le parquet ont été inexistants. « Ma banque leur a demandé un papier pour une histoire d’assurance. Ils ne l’ont jamais envoyé », affirme Aurène. Malgré quatre sollicitations par Basta! (voir notre boîte noire ci-dessous), aucune réponse ne nous a dans un premier temps été apportée par le parquet. Puis, après une cinquième relance, nous avons enfin obtenu une réponse de la part de Stéphane Le Tallec, premier vice-procureur de la division économique financière et commerciale. « Dans le cadre de ce dossier, le parquet a fixé la date d’audience au jeudi 9 juin 2022 à 13 h 30 devant la 9e chambre correctionnelle. Ce sera l’occasion pour le tribunal de reprendre l’ensemble du dossier et d’évaluer les charges retenues par le ministère public », écrit le magistrat. Contactée avant qu’une date d’audience soit fixée, l’entreprise a indiqué n’être « malheureusement pas en mesure d’ apporter d’éléments concernant cet évènement tragique car la procédure judiciaire est toujours en cours » .

« Avoir un procès c’est quand même déjà une petite victoire », souffle Amel, qui s’étonne tout de même de ne pas avoir été prévenue. Deux ans de questions sans réponse ont, un temps, érodé cette volonté d’obtenir justice. Mais aujourd’hui, elle est plus que jamais intacte. « Je ne veux pas abandonner, je veux des réponses, pour moi, et pour expliquer aux petites », témoigne Aurène. Toutes, sa compagne, sa mère, ses sœurs, déclarent vouloir ce procès à tout prix. « Si l’entreprise est responsable, il faut qu’elle soit condamnée, qu’on ne puisse pas dire que c’était juste "pas de chance" », poursuit la mère de la petite Noémie.

Julie et Pascaline, deux des sœurs de Maxime Wagner, déclarent qu’elles vont aussi se constituer partie civile. « Je ferai partie du combat moi aussi », souligne celle de 18 mois sa cadette, assistante maternelle aujourd’hui. Patricia, sa mère, conclut : « Aujourd’hui on ressent une grande colère. Celle de se dire qu’on a été laissé dans l’ignorance pendant deux ans. Celle de se rendre compte dans la presse que les personnes qui sont employées par cette entreprise ne sont qu’une pièce sur l’échiquier de la fortune. Ils se fichent de leur qualification, de leur sécurité, ils veulent juste que le chantier avance et ramasser un maximum de fric. Les gens meurent sans que personne ne le sache. Nous on veut que ce soit mis au grand jour, que les gens sachent. »

Pierre Jequier-Zalc

Boîte noire

Dans le cadre de cette enquête, qui a débuté en mars 2022, nous avons cherché à joindre par plusieurs moyens le parquet de Créteil. En tout, nous leur avons envoyé cinq mails, et leur avons téléphoné deux fois. Avant le 11 mai, aucune réponse ne nous avait été apportée. À cette date, comme expliqué dans l’article, nous avons reçu une réponse nous donnant une date d’audience, après avoir trouvé nous-mêmes le nom et le contact du vice-procureur en charge du dossier. 24 heures plus tard, la famille a pu nous confirmer cette information.

L’entreprise Dodin Campenon-Bernard a également été contactée. Dans un premier temps le 5 mai dernier, soit avant d’apprendre la tenue d’une audience au juin et la mise en cause de l’entreprise pour homicide involontaire. Nous avons reçu cette réponse : « Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de vous apporter d’éléments concernant cet évènement tragique car la procédure judiciaire est toujours en cours et les conclusions n’ont pas encore été livrées. Nous sommes très attentifs à la situation et mettons, c’est dans nos habitudes, tout en œuvre en matière de prévention pour assurer la sécurité et la santé de nos collaborateurs. » Aucune réponse, en revanche, n’a été apportée à nos questions concernant les mesures de sécurité sur les chantiers ou la relation après un accident de ce type avec les familles de victimes.

Nous avons de nouveau cherché à joindre l’entreprise une fois que nous avons appris la tenue d’une audience en juin. La personne qui nous a répondu nous a expliqué que la personne habilitée à répondre était en vacances jusqu’au 25 mai et qu’il nous fallait attendre son retour. Aucune réponse à nos questions n’a été apportée.

Patricia et Aurène ont relu leurs citations avant publication.