La carte des cinquante villes qui pourraient basculer à l’extrême droite lors des élections municipales

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Une carte interactive vous permet de savoir si votre ville est menacée par une poussée électorale du RN et de ses alliés lors des municipales à venir. 52 villes de plus de 20 000 habitants (sur 500) sont particulièrement vulnérables.

par Ivan du Roy

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Une cinquantaine de villes de plus de 20 000 habitantes ont un risque « significatif » de basculer à l’extrême droite lors des prochaines élections municipales de mars 2026. Ces communes se situent principalement autour de l’arc méditerranéen – en particulier la Côte d’Azur – et dans le Nord. Parmi ces villes, figurent notamment Toulon – la plus importante des villes à risque avec 180 000 habitantes –, Calais, Hyères (Var), Lens (Pas-de-Calais), Martigues (Bouches-du-Rhône) ou Narbonne (Aude).

C’est ce que montrent les projections électorales d’Alessio Motta, chercheur en sciences sociales, docteur en science politique (Université Paris 1 - Centre européen de sociologie et de science politique) et cofondateur du site mobilisations.org. Ces projections sont rendues visibles dans cette carte interactive réalisées par StreetPress, également publiée par Basta!, partenaire du projet. Pour les élaborer, le chercheur s’appuie sur l’historique des résultats électoraux, par bureau de vote, depuis les municipales de 2014, jusqu’aux plus récents scrutins des européennes et législatives de 2024, et sur les reports de voix constatés d’un parti ou d’une candidate vers une autre, s’il s’agit de faire barrage à l’extrême droite par exemple.

Différents scénarios ont ensuite été simulés, prenant en compte plusieurs variables : les offres électorales (nombre de listes de tel ou tel camp, divisions au sein de la gauche ou de la droite), les réserves de voix des candidates potentiellement en position de se qualifier, la probabilité de triangulaire voire de quadrangulaire (quand trois ou quatre listes se qualifient au second tour), si les maires sortantes – qui bénéficient en général d’une prime de notoriété – se représentent ou non. Plus les différents scénarios testés sur une ville sont nombreux à aboutir à une victoire de l’extrême droite, plus la ville sera considérée à risque.

Après le Nutri-Score, le « facho-score »

L’ensemble des villes sont ensuite classées selon une étiquette inspirée du Nutri-Score : d’un « A » ou « B » en vert, là où l’extrême droite n’a, a priori, aucune chance, « C » où un scénario de victoire du RN ou de ses alliés est possible mais peu probable, jusqu’à « D » en orange, là où leurs chances de l’emporter sont significatives, et « E » en rouge, où l’extrême droite est déjà au pouvoir. C’est le cas dans dix-sept villes, dont sept de plus de 20 000 habitantes : Bruay-la-Buissière et Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), Orange (Vaucluse), Marignane (Bouches-du-Rhône), Fréjus (Var), Béziers (Hérault) et Perpignan (Pyrénées-Orientales).

Les villes classées « D », en orange, donc avec un risque significatif, « sont des endroits où l’extrême droite a pesé lourd lors des derniers scrutins », constate Alessio Motta auprès de Basta!. « Parmi cette cinquantaine de villes, dans de nombreux cas, cela va dépendre étroitement de la campagne que mènera l’équipe municipale sortante : si elle se présente unie ou divisée, si le maire sortant ne se représente pas et que la nouvelle ou le nouveau candidat est populaire ou inconnu, si des élus ont des affaires sur le dos, etc. »

Parmi ces villes, celles gérées actuellement par la gauche, comme Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Carpentras (Vaucluse), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), ou Romorantin (Loir-et-Cher), apparaissent plus vulnérables. « Les reports de voix vers les candidats du second tour y sont plus défavorables à la gauche qu’à l’extrême droite », explique le chercheur. Les dernières législatives ont en effet démontré que, si l’électorat de gauche n’hésite pas, jusqu’à présent, à se reporter massivement sur un candidat centriste ou de droite pour barrer la route du pouvoir au RN, c’est moins le cas de l’électorat de droite, dont une part non négligeable préférera s’abstenir ou donner sa voix à l’extrême droite.

« Une logique de vote de plus en plus nationale »

Autres communes sensibles : « Les villes gérées par la droite, où celle-ci est très divisée et où ses candidats mobilisent peu. Une liste RN pourrait donc en profiter et attirer une part de l’électorat de droite, déjà sensible à ses idées, c’est une probabilité à Menton (Alpes-Maritimes) par exemple », illustre Alessio Motta. D’autres communes constituent des cas bien particuliers. À Montauban (Tarn-et-Garonne), la maire sortante, Marie-Claude Berly, avait été élue sous l’étiquette LR avant de rejoindre le parti d’Éric Ciotti, l’Union des droites pour la République (UDR), devenu l’auxiliaire du RN. Si elle est réélue, Montauban basculera donc de la droite vers l’extrême droite.

Certaines affaires pourraient-elles, au contraire, faire perdre des villes au RN ? Ce n’est pas impossible à Perpignan, où le maire Louis Aliot a été condamné en première instance à trois ans d’inéligibilité et dix-huit mois de prison, dont six ferme, dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du RN – le procès en appel débutera en janvier 2026, deux mois avant les prochaines municipales.

« L’électorat RN est particulièrement étanche à ce type d’affaires », nuance cependant Alessio Motta, prenant pour exemple le soutien inconditionnel des électeurices d’extrême droite à Marine Le Pen, malgré sa condamnation, ou la très probable réélection de David Rachline – ou d’un autre candidat RN – à la mairie de Fréjus, malgré la perquisition de sa mairie et sa mise en examen dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte en janvier 2024 pour « corruption active et passive d’élu ».

Les prochaines municipales pourraient constituer une bascule, avec « une logique de vote de plus en plus nationale, et une cristallisation autour des trois blocs », décrit Alessio Motta. Auparavant, l’image du maire ou de la maire sortante, et ses réalisations concrètes, influençaient davantage les électeurs et électrices, au-delà de son étiquette. Cette spécificité des scrutins municipaux pourrait s’éroder, avec notamment un électorat RN qui votera pour l’extrême droite « quoi qu’il en coûte ».