Elles défendent au quotidien le droit du travail, les travailleuses et travailleurs, l’accès au soin ou à un logement, les personnes exilées… Elles ont été à l’initiative de nombreuses alertes et mobilisations face aux politiques régressives du gouvernement Macron. Associations et organisations syndicales prennent cependant leur responsabilité en alertant depuis plusieurs jours sur les risques d’une victoire de Marine Le Pen au second tour de la présidentielle ce 24 avril : la pire ennemie des travailleurs, des libertés, des personnes racisées, des femmes et de l’égalité, selon elles.
« Nos vies toutes entières en seraient affectées »
« Le risque que représente l’accession au pouvoir de la candidate de l’extrême droite pour notre démocratie ne peut pas être ignoré », rappelle par exemple la Ligue des droits de l’Homme (LDH). L’organisation s’était déjà jointe à l’appel à manifester le 16 avril contre l’extrême droite et ses idées . « L’accession de l’extrême droite au pouvoir est aujourd’hui possible, favorisée par les reculs sociaux et démocratiques accélérés du quinquennat qui s’achève », ajoute la LDH.
« Cela constituerait une lourde hypothèque sur nos libertés et inaugurerait, y compris sur le plan international, des temps d’insécurité et d’injustices accrues, marqués de tensions sociales et de violences inédites avec un démantèlement complet de l’État de droit et toutes ses conséquences. Nos vies toutes entières en seraient profondément affectées, à commencer par celles des plus faibles, des plus démunis, des plus exploités. » « Face à ce risque majeur », l’association de défense des droits appelle donc à voter, pour l’actuel président. « Pour autant, cela ne constitue en rien un blanc-seing tant pour le bilan du président sortant que pour le programme du candidat », écrit aussi la LDH.
« Jamais Marine Le Pen ne sera une solution »
« Plus que jamais : pas une voix pour l’extrême droite ! » défend de son côté le syndicat Solidaires. « Empreint d’une idéologie nationaliste, sexiste, raciste, le choix de l’extrême droite est un danger grave. Il ne fera qu’empirer la crise sociale et la crise écologique, générer et attiser la haine, le racisme et la violence, désigner les étranger-es et les immigré-es comme boucs émissaires », écrit la fédération syndicale. Tout en précisant : « Les gouvernements Macron au service des plus riches n’ont fait qu’augmenter le désespoir et la pauvreté. Les politiques liberticides enferment la société dans une spirale sécuritaire. Elles ont été un tremplin pour l’extrême droite. » Mais, pour Solidaires, « jamais Marine Le Pen ne sera une solution : elle fait partie du système et du problème, elle le renforce même ».
« L’extrême droite est toujours la pire ennemie des travailleurs »
La CGT aussi demande à ne pas donner « une voix du monde du travail pour l’extrême droite ». Là non plus, cette prise ne position ne signifie en aucun cas un soutien à la politique menée par Emmanuel Macron ces cinq dernières années. « Le gouvernement et le président sortant portent une lourde responsabilité sur la perte de sens du débat politique et la banalisation des idées d’extrême droite », affirme la CGT. Mais « l’extrême droite raciste, antisémite et xénophobe est toujours la pire ennemie des travailleurs, des grèves et des syndicats ».
Le syndicat rappelle qu’« au cours de l’histoire comme aujourd’hui dans de nombreux pays, les dirigeants se réclamant de cette idéologie, à l’image de Poutine, Bolsonaro, Orbàn, suppriment les libertés syndicales et démocratiques, cassent les garanties sociales, divisent les travailleurs et les travailleuses, brisent les solidarités ». « À l’opposé, la CGT porte une histoire de luttes contre l’extrême droite et des valeurs universelles de solidarité, de fraternité, d’égalité entre les salariés, par-delà leur statut, leur origine, leur nationalité, leurs opinions philosophiques ou religieuses », tient aussi à rappeler le syndicat.
« Il s’agit de sauvegarder la démocratie »
Pour le Syndicat des avocats de France, qui a été tout au long du quinquennat à l’avant-poste des luttes contre les lois qui ont affaibli nos libertés (loi Sécurité globale, loi Séparatisme, contre les dissolutions d’associations…), « il s’agit de sauvegarder la démocratie » : « Des pans entiers du projet politique du Rassemblement national piétinent les fondements de l’État de droit, à commencer par l’inscription de la "préférence nationale" dans la Constitution, c’est-à-dire le principe d’une discrimination légale entre les Français et les étrangers, contraire aux principes de la République : l’égalité de toutes et tous en droit. »
« Loger la France telle qu’elle est, sans discriminer »
L’Union sociale pour l’habitat (USH), le groupement des organismes HLM, dénonce également le projet fondamentalement discriminatoire de Marine Le Pen. « Le logement social ne doit pas être instrumentalisé à des fins de discrimination », déclare l’organisme. Dans son programme, Marine Le Pen prévoit d’instaurer une « priorité nationale » pour le logement, en particulier pour l’accès au logement social.
« Les organismes de logement social accueillent, sans discrimination et sans distinction, des familles françaises et étrangères en situation régulière, précise l’USH. Nous constatons, à l’occasion de cette campagne électorale, que certains acteurs politiques ont choisi de faire du logement social un outil de discrimination, et parfois même un marqueur stigmatisant, alors même que d’autres questions, bien plus cruciales, s’offrent à nous, collectivement : comment construire plus, comment accélérer la transition environnementale, comment lutter contre la paupérisation des locataires et des demandeurs d’un logement social, comment continuer de rénover massivement les quartiers qui en ont besoin ? Le Mouvement HLM demande que le débat public s’oriente vers ces questions plutôt que vers la mise en opposition des Français d’un côté, des étrangers de l’autre. Nous revendiquons et assumons une mission : celle de loger la France telle qu’elle est, de promouvoir un logement populaire, sans discriminer. »
Un programme « incompatible avec l’exercice de la médecine »
Marine Le Pen promeut aussi « la discrimination dans l’accès aux soins, dénonce l’Union syndicale de la psychiatrie. Ce qui est incompatible avec l’exercice de la médecine. » La candidate d’extrême droite veut entre autres supprimer l’Aide médicale d’État (AME), qui permet aux étrangers même encore sans statut, comme les demandeurs d’asile, d’avoir accès aux soins. « Penser que la suppression de l’aide médicale d’État, outre la nausée qu’elle provoque pour nous, amènerait des économies est un mensonge éhonté. C’est une proposition qui est dénoncée par toutes les organisations humanitaires car cette mesure aggraverait les épidémies et serait susceptible de faire réapparaître des maladies presque oubliées, analyse le syndicat de médecins-psychiatres. Le Pen et les extrêmes droites seraient-elles convaincues de pouvoir imposer aux virus et bactéries de rester dans les corps des étrangers et ne pas envahir les blancs "de souche" qu’ils défendent ? », demande le collectif.
« Une victoire de Le Pen serait une victoire d’un programme raciste et d’exclusion », ajoute l’USP. Là encore, l’organisation a toujours dénoncé les politiques du gouvernement d’Emmanuel Macron envers l’hôpital public. « Au cas où Macron serait réélu, l’ajustement en cours de l’algorithme au pouvoir, à l’occasion du deuxième tour, ne pourra effacer la complicité de Macron et de ses prédécesseurs dans la destruction de l’hôpital public devenu entreprise sous la direction de la bureaucratie comptable. »
Marine Le Pen et ses soutiens, principaux opposants au droit à l’avortement
Par ailleurs, une quarantaine d’associations défendant les droits des femmes alertent sur les risques de recul que représenterait l’accession de Marine Le Pen à la Présidence de la République. « Nous rappelons que Marine Le Pen, son parti et ses soutiens sont de tout temps les principaux opposants à l’avortement. » Au cours des derniers mois, ils se sont fermement opposés à l’allongement des délais de 12 à 14 semaines. »
À l’Assemblée nationale, comme au Parlement Européen, Marine Le Pen et les élus de son parti se sont opposés aux textes qui promeuvent l’égalité entre les femmes et les hommes.« Enfin, Marine Le Pen s’oppose à l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école primaire, fondement de la prévention de ces violences auprès des plus jeunes ». Les associations dénoncent « une volonté de stigmatiser et d’exclure les femmes étrangères ou immigrées et d’entraver la liberté des femmes à choisir leur destin, en les renvoyant à la maison ou en les reléguant avant tout à des rôles maternels ». Tout en demandant à Emmanuel Macron « de s’engager plus fermement pour les droits des femmes », ces associations appellent « à faire barrage contre l’extrême droite ».
Photo : Anne Paq