Vidéo : comment les lobbies de l’industrie fossile infiltrent la Cop29 sur le climat

par Lisa Damiano

La Cop29 se poursuit à Bakou. L’industrie des fossiles y a envoyé, comme chaque année, des centaines de lobbyistes pour influer sur les négociations. Mais comment lutter contre le changement climatique sans s’attaquer au secteur pétrogazier ?

Plus de 1770 lobbyistes des industries fossiles sont présents à la Cop29 de Bakou, la conférence internationale sur le climat. C’est ce qu’a révélé l’ONG Corporate Europe Observatory quelques jours après le lancement de la Cop29, le 11 novembre.

Avant l’ouverture de la conférence, une enquête de l’ONG Global Witness levait aussi le voile sur le rôle d’entremetteur d’Elnur Soltanov, directeur général de la Cop29, entre l’Entreprise nationale de pétrole et de gaz d’Azerbaïdjan (la Socar) et des investisseurs privés. En échange du sponsoring de la Cop, le PDG proposait de mettre en relation les entreprises avec des cadres de la Socar afin de faciliter leur investissement dans ce géant des énergies fossiles.

Cette situation semble contrevenir à l’un des objectifs mêmes de cette conférence internationale sur le climat, qui est de limiter les émissions de gaz à effet de serre, pas de les augmenter. Chaque année, l’industrie fossile est responsable de plus de 80 % des émissions de ces gaz.

Laisser les énergies fossiles dans le sol

Ce secteur est particulièrement émetteur de carbone, et pourtant, tous les ans, un grand nombre de lobbyistes des énergies fossiles se rendent à la Cop et participent aux négociations. L’an dernier à Dubaï, une coalition d’ONG en comptait environ 2500. Pour Maxime Combes, économiste et chroniqueur à Basta!, la présence de ces entreprises fait partie intégrante d’une stratégie de l’industrie fossile pour préserver ses intérêts et être identifiée comme actrice de la lutte contre le changement climatique.

« Il s’agit désormais non plus de nier, mais d’être présents dans les négociations et de faire en sorte que les négociations sur le réchauffement climatique ne viennent pas empiéter sur ce qu’ils considèrent comme leur droit légitime à exploiter jusqu’à la dernière goutte de gaz, de pétrole ou de charbon », explique l’économiste. Cette stratégie passe par une présence de lobbyistes dans les négociations, mais aussi au sein des délégations nationales des États.

Un autre aspect qui encourage la participation de ces entreprises aux Cop, c’est l’absence de discussions et de décisions portant directement sur les énergies fossiles. « Il n’est jamais question dans les Cop de la possibilité de laisser les énergies fossiles dans le sol. Il n’en a jamais été question pendant 30 ans », explique Maxime Combes.

À l’origine, le sujet avait été exclu des négociations car, précise l’économiste, « les États du Sud, mais également les États du Nord n’avaient pas accepté de discuter de leur mix énergétique. À cela sont venus se greffer des lobbyistes, des états pétroliers, des multinationales des énergies fossiles », qui refusent de laisser ces énergies dans le sol malgré l’impact climatique de leur extraction.

Les entreprises privées n’ont pas d’obligations

Ce traitement de faveur pour les entreprises dépasse le seul secteur des énergies fossiles. « Une des limites évidentes des négociations sur le réchauffement climatique, c’est qu’il n’a jamais été possible de prendre des décisions qui viennent contraindre le secteur privé, notamment les entreprises fossiles, mais plus généralement l’ensemble des entreprises multinationales et transnationales », souligne Maxime Combes. Par exemple, dans l’Accord de Paris de 2015, qui fixe les grands objectifs de la décennie en matière de lutte contre le réchauffement climatique, les entreprises privées ne sont pas même mentionnées.

Si les entreprises privées ne sont ni contraintes ni nommées dans les grands accords climatiques, leur participation aux sommets pour le climat interroge. Face à ce paradoxe, la coalition d’ONG Kick the Big Polluters Out avait proposé lors de la Cop21 de Paris en 2015 d’exclure les représentants des industries fossiles des négociations internationales sur le climat.

Mais, depuis cet appel, cette mesure n’est toujours pas effective. Les représentants de l’industrie fossile sont toujours plus nombreux. Et plusieurs Cop se sont tenues dans des pays pétrogaziers, comme l’Azerbaïdjan cette année après les Émirats arabes unis l’an dernier.

Lisa Damiano

Photo de une : CC BY 2.0 IAEA Imagebank via flickr.