
Le 10 octobre, un cessez-le-feu est entré en vigueur dans la bande de Gaza. Dans The New Humanitarian, Rasha Abou Jalal, journaliste et autrice palestinienne, raconte l’attente puis la joie qu’a provoquées cette annonce à Gaza. De la période de négociation, elle se souvient : « Deux voix se disputaient en moi : l’une craignait une nouvelle déception, l’autre murmurait avec une faible confiance que cette fois-ci serait différente. »
Puis, le matin où elle a appris que l’accord était enfin conclu, elle est sortie de sa tente pour y partager avec les autres des pleurs de joie, de soulagement, d’espoir d’enfin pouvoir reconstruire un futur. « Pendant des heures, l’atmosphère dans le camp était pleine d’énergie et de joie, jusqu’à ce que l’inattendu se produise et que le bonheur se transforme en tristesse et en larmes », décrit-elle. Elle poursuit : « Lorsque l’armée israélienne a commencé à se retirer des quartiers résidentiels de la ville de Gaza le 10 octobre, l’ampleur des destructions qu’elle a laissées derrière elle est apparue dans toute son horreur. »
« La mémoire est longue et générationnelle »
L’accord prévoit la libération de tous les otages israéliens vivants encore détenus à Gaza, ainsi que les dépouilles des otages morts, et celle de près de 2000 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Le journal britannique The Guardian raconte les scènes de joie simultanées du lundi 13 octobre. « À Tel Aviv, environ 65 000 Israéliens se sont rassemblés sur la “place des otages” et ont applaudi lorsqu’un hélicoptère militaire transportant les 20 Israéliens libérés a survolé la foule pour se rendre à un hôpital voisin », lit-on dans un article du jour même.
Plus loin, le périodique ajoute : « Une foule importante s’est également rassemblée lundi dans la ville de Khan Younès, au sud de Gaza, pour célébrer le retour de près de 1700 Palestiniens détenus pendant la guerre. » Malgré ces retours célébrés, certains manquent : l’emblématique responsable politique palestinien Marwan Barghouti, ou encore des dizaines de professionnels de santé dont Hussam Abu Safiya, médecin-chef de MedGlobal à Gaza et directeur de l’hôpital Kamal Adwan, ne seront pas libérés, note le média espagnol El Salto.
Le cessez-le-feu n’a pas changé l’opinion dominante en Israël, écrit le média israélo-palestinien +972 : « La grande majorité des Israéliens qui soutiennent les actions de leur armée et de leur gouvernement semblent ignorer l’ampleur de l’indignation et du chagrin suscités par le génocide. Ils ne comprennent pas encore l’ampleur du jugement inévitable qui les attend, ni la signification du mot “indélébile”, et que la mémoire est longue et générationnelle. »
Même si le cessez-le-feu tient, les crimes commis par Israël à Gaza ne pourront s’effacer d’un revers de la main, souligne +972. « Mes proches sont devenus les fantômes d’eux-mêmes. Ils ont été brisés à maintes reprises au cours de 730 jours de bombardements incessants, de famine et de déplacements », écrivait Muhammad Shehada, auteur et analyste politique originaire de Gaza, dans un article de +972 publié deux ans après le 7 octobre 2023.
Un plan de paix pour Israël, pas pour la Palestine
Le jour de la libération des otages, le 13 octobre, Donald Trump et une vingtaines d’autres leaders internationaux se sont retrouvés en Égypte au « sommet pour la paix à Gaza ». Le président états-unien y a prononcé « un discours-fleuve où il a rappelé son intervention dans le règlement d’autres conflits et minimisé le rôle d’autres pays », note le média français Le Grand Continent.
Avec la Turquie, le Qatar et l’Égypte, les États-Unis ont signé un plan « de garantie pour la paix à Gaza ». Mais ce document n’est pas fait pour les Palestiniens, remarquent des observateurs. « Le plan de paix de Donald Trump pour Gaza exige des Palestiniens qu’ils expient les actes horribles du 7 octobre, et non d’Israël pour la barbarie qui a suivi », résument les chercheurs Hussein Agha et Robert Malley dans The Guardian.
Depuis le cessez-le-feu, l’aide humanitaire n’est toujours pas arrivée en nombre suffisant dans la bande de Gaza. Et le soir du 13 octobre, au moins quinze personnes ont été tuées lors d’un bombardement israélien sur un camp de réfugiés.
+972, engagé de longue date en faveur de la paix, appelle à ne pas laisser s’essouffler le soutien international : « Le mouvement mondial en faveur d’un embargo sur les armes, d’un boycott culturel et de sanctions économiques doit se poursuivre. Il n’y a pas de guérison possible après un génocide. Mais nous pouvons canaliser la douleur d’un monde sous le choc pour libérer les Palestiniens – et les Israéliens juifs – des contraintes qui les entravent. »