« Fin du monde, fin de mois, même combat ? » : pour la première fois, l’Observatoire des inégalités s’est penché sur la question des inégalités environnementales dans son nouveau rapport sur les inégalités en France.
« L’environnement regroupe ce qui nous entoure : l’air, le bruit, la température, ou encore les conditions de logement », expose Anne Brunner. La directrice des études pour l’organisme insiste sur un point : il n’y a pas seulement l’exposition aux pollutions qui pèsent dans les inégalités environnementales, mais aussi la vulnérabilité à ces pollutions.
Au travail et à domicile, les plus précaires plus touché
es« Globalement, les plus pauvres sont les plus exposés aux pollutions, résume-t-elle, et cela se joue en grande partie au travail, surtout que c’est là qu’ils passent le plus de temps ». 65 % des ouvriers respirent des fumées et poussières à leur poste, contre 9 % des cadres. De la même manière, la moitié des ouvrier
es sont en contact avec des produits dangereux, contre 12 % des cadres, et un tiers travaille dans le bruit, contre 6 % des cadres. « Ces nuisances subies tous les jours entraînent à la longue une fatigue, des maladies et des handicaps qui réduisent la qualité de vie de ceux qui y sont le plus soumis », souligne le rapport.Mais les inégalités environnementales ne s’arrêtent pas aux portes de l’usine ou du chantier. Au domicile également, les personnes les plus précaires sont celles qui subissent le plus entres autres le bruit. Chez les 20 % les plus modestes, un quart des personnes interrogées pour le rapport déclarent leur logement trop bruyant - que ce soit en raison des bruits de la rue ou de ceux des voisins -, contre 12 % chez les 20 % les plus aisées.
Les personnes les plus pauvres indiquent aussi beaucoup plus fréquemment avoir froid chez elles en hiver, chaud en été, et vivre dans un logement humide. De ce côté également, les inégalités se creusent : chez les plus modestes, la part de celles et ceux qui estiment que leur logement est difficile à chauffer est passé de 33 % à 36 % entre 2004 et 2019, alors qu’elle s’est réduite pour toutes les autres catégories de revenus.
Les périodes de forte chaleur ont aussi des répercussions inégales selon le mode de vie : disposer d’un jardin, d’un système de climatisation, d’une piscine ou d’un lieu de vacances hors du logement permet de face plus facilement aux canicules. « Les propriétaires aux plus faibles revenus n’ont pas les moyens financiers de prendre en charge en totalité les investissements nécessaires pour assurer de bonnes conditions de vie, dit le rapport. La collectivité a d’autant plus intérêt à les soutenir qu’en le faisant, elle améliore la qualité de vie des personnes concernées et réduit les consommations d’énergie, une priorité aujourd’hui ».
Mauvaise qualité de l’air
Concernant la qualité de l’air extérieur, « la cartographie des pollutions ne se superpose pas forcément à celle des inégalités sociales, pointe la directrice des études de l’Observatoire. Tout dépend du lieu de vie et du type de pollution. » Par exemple, la pollution de l’air ambiant, qui a causé en France 40 000 décès par an au cours de la période 2016-2019 (selon Santé publique France), est notamment causée par les véhicules et les modes de chauffage. « Les ménages les plus touchés sont ceux vivant dans les grandes villes, indique Anne Brunner. C’est-à-dire à la fois les plus riches, mais aussi les plus pauvres ».
Les habitantlongtemps utilisé comme pesticide dans l’agriculture locale. Pour les pollutions à l’ammoniac, les fortes concentrations sont mesurées dans les régions d’élevage intensif et de forte utilisation d’engrais, comme en Bretagne, et touchent principalement les villes au revenu moyen médian.
es de communes fortement marquées par une industrialisation dense et ancienne, mais aussi par le chômage et la pauvreté sont également fortement exposé es aux pollutions. Quant aux populations ultramarines, elles connaissent de graves difficultés sociales et sont en même temps massivement touchées par des pollutions locales, comme le chlordécone aux Antilles,« La pollution a plus d’effets néfastes sur les plus modestes »
C’est là que le facteur de vulnérabilité entre en jeu. Selon l’Observatoire des inégalités, on peut habiter dans le huitième arrondissement de Paris et être fortement exposé
e aux voitures, mais moins subir cette pollution qu’une personne plus précaire habitant près du périphérique. « Où que l’on vive, la pollution a plus d’effets néfastes sur la santé des plus modestes, explique Anne Brunner. Les bébés des familles les plus pauvres ont ainsi un risque deux fois plus élevé d’être hospitalisés pour une bronchiolite que ceux des familles les plus aisées ». Les catégories les plus favorisées sont globalement en meilleure santé et disposent d’un meilleur accès aux soins. Elles ont souvent les moyens de réduire les conséquences des inégalités environnementales, et « cela est dû aux inégalités sociales », conclut Anne Brunner.Joindre justice sociale et environnementale
Un constat d’autant plus injuste que les émissions de gaz à effet de serre augmentent avec le niveau de vie. « Plus on est aisé, plus on a d’espace à chauffer, on part plus en vacances et donc on se déplace plus en voiture ou en avion », justifie la directrice des études. À l’inverse, les plus riches ont aussi les moyens d’adopter des types de consommation plus écologiques, des logements mieux isolés et des véhicules moins énergivores.

En haut de l’échelle, les milliardaires ont un mode de vie extrêmement polluant. Pour la responsable de l’Observatoire des inégalités, il faut réglementer les émissions pour les limiter. « Il faut demander un effort beaucoup plus large, le plus partagé possible, tout en prenant en compte les besoins des plus précaires, estime Anne Brunner. Il faut des politiques publiques qui joignent justice sociale et environnementale ! »
Le risque, sinon, est de « faire marche arrière », comme c’est le cas avec la récente suppression des Zone à faibles émissions (ZFE). Elles avaient été mises en place dans les villes pour limiter la circulation des véhicules les plus polluants, qui sont aussi les plus anciens, et détenus en majorité les classes les plus populaires. Très mal acceptées, elles étaient depuis le début contestées. Fin mai, une majorité de député es a voté leur suppression.