Adrien, arboriculteur biologique en Ardèche, sait qu’il agit en toute illégalité en épandant une décoction de prêle sur ses vergers. Cette plante riche en minéraux contribue à protéger les arbres fruitiers de certaines maladies. Ce jeune paysan veut lever le voile sur cette aberration en conviant, ce 4 avril, une cinquantaine de personnes à une action symbolique sur sa ferme. « On peut boire une tisane de plantes, mais la pulvériser sur ses cultures est passible de poursuites », explique Guy Kastler du Réseau semences paysannes. « Les paysans n’ont pas le droit d’utiliser ce type de produits, même chez eux », précise Jean-François Lyphout qui préside une association défendant l’utilisation de ces préparations naturelles dites « peu préoccupantes » (Aspro-PNPP). « Selon la réglementation en vigueur, si l’agriculteur passe ces produits sur sa production, celle-ci peut être saisie et les produits peuvent être retirés de la vente » (voir nos précédents articles).
« Tisanes pour nos ânes, purins sur nos terrains », affiche le panneau brandi par Marie-Pierre, paysanne installée sur les contreforts de Varacieux en Isère. Qui ne mâche pas ses mots : « L’interdiction d’utiliser librement ces préparations évoque pour moi... l’Inquisition ! C’est la confiscation de savoirs qui appartiennent à tout le monde ». Certains produits comme le sucre par exemple, qui permet de réduire les doses de cuivre de moitié selon Jean-Luc Juthier, un arboriculteur biologique, n’échappent pas à la réglementation. « L’autorité européenne de sécurité des aliments refuse par exemple l’autorisation du vinaigre parce qu’elle a déjà accordé une autorisation de mise sur le marché pour l’acide acétique à une entreprise qui se réserve ainsi le monopole de sa commercialisation », illustre Guy Kastler. Le vinaigre, mélangé à d’autres ingrédients, peut servir de répulsif contre certains insectes.
« Le projet de loi d’avenir agricole intègre les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) dans les produits de bio-contrôle », réagit une source du ministère de l’Agriculture, contacté par Basta!. « Le problème, c’est que les mêmes règles sont appliquées à ces produits que pour les pesticides, c’est à dire que l’administration demande les mêmes évaluations que pour des produits chimiques » rétorque Guy Kastler. Des demandes qui se révèlent non seulement coûteuses – 40 000 euros en moyenne pour le dépôt d’un dossier – mais aussi chronophages – plusieurs années pour obtenir l’homologation. Alors que le Sénat examine le projet de loi d’avenir agricole à partir du 8 avril, plusieurs organisations [1] ont proposé un amendement qui exclut ces préparations du champs des pesticides. Une pétition est en ligne.
Photos : CC @Sophie_Chapelle / Basta!