À Bussière-Boffy, en Haute-Vienne, petit village de 300 âmes, à trente minutes de Limoges, des habitants vivent dans un habitat original, qu’ils ont choisi et parfois même construits : des yourtes, ces vastes tentes traditionnelles venues des lointaines steppes mongoles. La yourte est une habitation familiale, comprenant une pièce unique autour d’un poêle. On y trouve plusieurs lits qui servent de sièges pendant la journée, quelques meubles, une table basse où est posée la nourriture. La seule ouverture est la porte d’entrée, à l’opposé de laquelle se trouve traditionnellement le lit du chef de famille. Elle est facilement démontable en quelques heures pour être installée ailleurs.
Trois familles de Bussière-Boffy ont ainsi choisi de vivre dans des yourtes, aménagées selon leurs besoins. Autour, elles ont créé des potagers pour s’alimenter de la manière la plus autonome possible. Pour elles, il s’agit d’expérimenter un mode de vie alternatif : « Un vrai projet de transformation écologique, innovant et solidaire », explique Paul Lacoste, militant de l’association Habitants de logements éphémères ou mobiles (Halem) – et résidant dans une maison à Bussière-Boffy.
Cinq procès en trois ans
Des familles pas vraiment dérangeantes... Sauf pour le maire de la commune, Jean-Pierre Barrière. Depuis trois ans, il combat sans relâche le choix de ces familles. Motif : infraction au code de l’urbanisme. Les terrains sur lesquels sont installées les yourtes sont inconstructibles. Et le maire considère les yourtes comme des constructions solides. Leurs habitants doivent donc les démonter.
Les familles sont entrées en résistance : manifestations avec des dizaines de soutiens, installation de yourtes devant la Préfecture de Limoges, événements culturels, journée portes ouvertes pour faire visiter l’habitat nomade, projection de films comme celui de Suzanne Chuppin Les yourtes de la discorde, qui montre le quotidien des habitants des yourtes.
Trois années à rebondissements : régularisation des yourtes par l’État, contestation du maire, procès... Une nouvelle étape judiciaire vient de se clore ce 11 décembre. Le Tribunal de grande instance de Limoges a relaxé les trois familles, estimant que les yourtes sont bien des tentes et qu’elles ne portent donc pas atteinte au code de l’urbanisme. C’est la cinquième fois que les familles obtiennent gain de cause contre le maire. Elles espèrent cette fois que la relaxe mettra fin au conflit. Mais le parquet a fait appel. Et le maire a déclaré qu’il « poursuivrait le combat ». De son côté, Paul Lacoste s’étonne de cette « peur de la différence » d’un maire qu’il considère comme un « normatif extrême ». Le conflit se poursuit...
Voir l’interview de Paul Lacoste réalisée le 3 novembre 2012
Charlotte Mathivet
Photos : exemple de yourtes contemporaines, CC via flickr