Logements bouilloires : activer les alternatives aux climatiseurs

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Un logement sur trois en France est une bouilloire thermique : il y fait beaucoup trop chaud en été. Alors que les canicules se multiplient, il faut agir, et vite. Des associations proposent des solutions.

par Malo Janin

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Derrière les deux portes-fenêtres de son appartement exposé plein sud, Wenceslas suffoque. Il vit dans 20 m2, dans lesquels créer un courant d’air est impossible. Lorsqu’il fait chaud, il doit se contenter d’un ventilateur. « Quand il fait 23 degrés dehors, c’est 27 à l’intérieur. Pendant la canicule, il faisait 32 degrés la nuit », souffle l’homme de 56 ans en situation de handicap, qui vit dans une pension de famille du 13e arrondissement de Paris. La nuit, il n’arrive pas à s’endormir. En journée, il dort parfois jusqu’à 14 heures, et ne parvient pas à se déplacer.

Wenceslas habite ce qu’on appelle une bouilloire thermique, en opposition aux passoires thermiques : un logement inadapté aux fortes chaleurs. Depuis des années, ses demandes de changement de logement social restent sans réponse. C’est pourtant son seul espoir de quitter ce calvaire.

En 2024, 42 % des habitants ont souffert de la chaleur dans leur logement en France, souligne la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé-Pierre) dans une étude publiée le mois dernier. En France, un logement sur trois est une bouilloire thermique, souligne la fondation. Et alors qu’installer des volets est le geste le plus simple et efficace pour empêcher la surchauffe, 40 % des logements n’en sont pas pleinement équipés.

Une proposition de loi

Au début du mois, des parlementaires de sept groupes politiques ont déposé une proposition de loi transpartisane à l’Assemblée nationale pour « adapter les logements aux fortes chaleurs et protéger leurs occupants ». La Fondation pour le logement a travaillé avec les parlementaires pour la rédiger. Le texte propose notamment d’intégrer la surchauffe des logements dans la définition de la précarité énergétique, d’interdire les coupures d’électricité tout au long de l’année pour que personne ne se retrouve dans l’impossibilité d’utiliser un ventilateur, ou encore de faire en sorte que les rénovations globales des logements prennent systématiquement en compte le confort d’été.

Car les politiques publiques sont au cœur du problème des logements bouilloires, pointe la Fondation pour le logement. « On est vraiment en retard en termes de moyens concrets pour adapter les logements à la chaleur », souligne Maïder Olivier, chargée de plaidoyer climat pour l’organisation.

Certes, le gouvernement a lancé cette année son troisième plan national d’adaptation au changement climatique, et celui-ci ouvre la possibilité de financement de l’installation de volets et de brasseurs d’air dans le cadre d’une rénovation globale de son logement. « Mais on ne peut pas attendre la rénovation de tous les logements. Le reste du plan repose sur des annonces d’études prospectives, alors que de nombreux leviers pourraient être activés dès aujourd’hui », insiste la responsable.

Volets et brasseurs d’air

« Contrairement à ce que dit le Rassemblement national, la solution ce n’est pas la climatisation partout, ajoute Maïder Olivier. Il existe des alternatives sobres qu’on doit mettre en œuvre avant d’arriver à ce dernier recours. »

Car les climatiseurs mobiles sont des équipements très nocifs pour l’environnement. Et les installations fixes, comme les pompes à chaleur réversibles, contribuent aux effets d’îlots de chaleur urbains en rejetant l’air chaud à l’extérieur. Pour lutter contre les logements bouilloires, la fondation propose plutôt d’équiper l’ensemble des logements de volets et de brasseurs d’air (des ventilateurs de plafond) d’ici 2040. Ce plan coûterait 3,2 milliards d’euros par an jusqu’en 2040, dont 1,1 milliard financés chaque année par l’État.

« Il faut aussi travailler sur le type de matériaux utilisés quand on construit, le type d’isolants, la végétalisation, des peintures plus claires... », ajoute la chargée de plaidoyer. La fondation, comme la proposition de loi des députés, propose de systématiser la prise en compte des critères de chaleur dans les diagnostics énergétiques et les rénovations des logements. Car un logement bien isolé pour l’hiver ne l’est pas forcément pour l’été. Comme chez Wenceslas. L’homme habite un bâtiment construit en 2016.« Mon logement assure un bon confort en hiver, car il retient la chaleur, mais ne l’évacue pas en été », se désole-t-il.

Certaines organisations montrent la voie, à l’image de Solidarités nouvelles pour le logement, une association qui lutte depuis 40 ans contre le mal-logement. Elle crée sa propre offre d’habitation en rachetant des logements anciens qu’elle rénove. Solidarités nouvelles pour le logement s’est par exemple lancée dans un chantier de rénovation d’une grande demeure bourgeoise à Brunoy, dans l’Essonne, afin d’en faire une pension de famille. Le confort d’été est au cœur du projet.

« Les personnes que nous accueillons n’ont pas forcément d’activité professionnelle et peuvent être en situation de handicap, elles seront assez sédentaires. La question du confort thermique en hiver comme en été est donc essentielle », explique Jean-Marc Prieur, directeur de l’association pour l’Essonne.

Végétalisation

Pour les quatorze logements prévus à Brunoy, la rénovation prévoit une isolation au chanvre local, des volets en bois, ainsi qu’une réflexion sur l’emplacement des ouvertures par rapport au soleil et des pièces en fonction de la chaleur. Ce pari a un coût. Sur une rénovation lourde, à presque trois millions d’euros, Solidarités nouvelles pour le logement estime à 10 % le surcoût pour prendre en compte le confort du logement en été.

Mais cela en vaut la peine, insiste Maïder Olivier : « À long terme, on pourrait imaginer un calendrier de rénovation des bouilloires thermiques similaires à celui des logements passoires, pour forcer les propriétaires à adapter leurs biens. » Outre le coût, d’autres freins à l’adaptation des logements à la chaleur doivent être levés. Aujourd’hui, des projets de rénovation sont bloqués par les architectes des bâtiments de France dans le cadre de la préservation du patrimoine. Certains règlements de copropriété peuvent aussi s’opposer à l’installation de volets.

La Fondation pour le logement imagine d’autres propositions pour lutter durablement contre la précarité énergétique d’été, comme intégrer aux documents d’urbanisme des coefficients minimaux de végétalisation pour lutter contre les îlots de chaleur urbains. Changer ces règles ne coûterait rien.