Après la promulgation de la loi El Khomri le 9 août, la fin du mouvement contre la Loi travail avait été actée par de nombreux médias. Les opposants ont prouvé le contraire à l’occasion d’une quatorzième journée de manifestations le 15 septembre. 170 000 personnes ont battu le pavé dans toute la France selon la CGT (78 000 selon la police), à l’appel de l’intersyndicale [1]. Plus de 110 manifestations et rassemblements se sont déroulés dans l’hexagone, « malgré des mesures de sécurité draconiennes imposées par des préfectures » relève la CGT. L’intensité des affrontements avec les forces de l’ordre n’a pas non plus diminué. Quinze policiers et gendarmes ont été blessés, dont deux grièvement. Plusieurs manifestants ont également été blessés rapporte Mediapart. Selon le ministre de l’Intérieur, 62 personnes ont été interpellées pendant les manifestations, dont 32 placées en garde à vue.
Séquence juridique
Faut-il voir dans cette journée de manifestations le « baroud d’honneur » des syndicats, comme n’a cessé de le marteler la presse ? « Baroud d’honneur signifie qu’on manifeste et qu’après tout le monde rentre à la maison et passe à autre chose, prévient Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière. Nous poursuivrons la pression, notamment sur le plan juridique et sur la mise en application de la loi dans les entreprises. »
Une séquence juridique s’ouvre qui devrait prendre la forme de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). « Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les points sur lesquels il avait été saisi », rappelle Jean-Claude Mailly. « Il aurait pu en profiter pour dire que toute la loi était conforme à la constitution, or il ne l’a pas fait. Il a même laissé la porte ouverte à des QPC. » La saisie de la Cour de justice européenne fait aussi partie des possibilités.
Mobilisation dans les entreprises
De son côté, la CGT fait valoir qu’elle se battra « sur tous les terrains, pour empêcher l’application de cette loi, point par point, mesure par mesure, que ce soit au niveau local, dans les entreprises avec les salariés ou nationalement, tout comme devant la justice. » Plus de 70 décrets doivent être publiés au mois d’octobre 2016. Les militants s’apprêtent à surveiller les effets de la mise en application de la Loi.
La CGT réfléchit notamment à la mise en place d’ « observatoires » afin de recenser le contenu des accords proposés, les secteurs d’activités concernés et porter des propositions alternatives s’appuyant sur les aspirations des salariés [2]. « Nous continuons de nous mobiliser pour faire barrage à cette loi qui n’a pas été votée mais arbitrairement imposée aux salariés de ce pays. » La CGT s’appuie sur l’exemple de la contestation victorieuse contre le « contrat premier embauche » (CPE) en 2006 – qui rendait possible un licenciement sans motif pendant deux ans après l’embauche. La loi instaurant le CPE avait été promulgué puis ensuite abrogée. « Rien n’est gravé dans le marbre. Ce qui a été validé peut être annulé. »
Vers une mobilisation transfrontalière
La porte-parole de Solidaires, Cécile Gondard-Lalanne, appelle également à mener des « luttes en commun dans les entreprises ». Tractages, pétitions, grèves, rien n’est exclu. Solidaires propose également de manifester le 7 octobre, à la fois journée mondiale du « travail décent » et journée de grève en Belgique contre la loi Peeters, l’équivalent de la Loi sur le travail. Selon la RTBF, cette réforme du marché du travail prévoit la fin de la semaine de 38 heures, l’augmentation des heures supplémentaires autorisées, une flexibilité accrue, notamment pour le travail à temps partiel avec des horaires connus seulement 24 heures à l’avance. Autant de réformes qui n’ont pas enrayé la hausse du chômage ou d’emplois sous-payés dans les autres pays européens où elles ont été mises en œuvre.
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