Le 20 décembre dernier, sur la place Congrès, à Pamandzi, à Mayotte, le président français Emmanuel Macron déclarait : « Si ce n’était pas la France, vous seriez dix mille fois plus dans la merde. »

C’était quelques jours après le passage du cyclone Chido, qui a dévasté l’île le 14 décembre. La déclaration du président, Modjid, 20 ans, l’a prise comme une insulte, alors que ses amis et lui ont dû se débrouiller seuls pour reconstruire les habitations de leur quartier. Ils ont récupéré des tôles, des clous et tout ce qui pouvait être utile. L’aide, elle, n’est venue que tardivement.
« On nous donnait seulement deux bouteilles et quelques boîtes de sardines par famille sans prendre en compte le nombre de personnes », déclare aussi Samir allongé sur un canapé qui lui sert de lit la nuit. Dans son quartier de Pamandzi, les distributions n’étaient faites qu’à ceux qui pouvaient prouver leur identité ainsi que leur adresse.

Ces directives ont exclu nombre de jeunes de l’île de l’accès à l’aide. C’est le cas de son ami Elboua, qui n’avait plus de papier pour prouver son identité. « Je ne comprends pas qu’on demande à des gens de fournir des documents alors qu’ils viennent, pour la plupart, de tout perdre. À quoi ça sert de savoir qui je suis et où j’habite ? Tout ce qui devrait les intéresser c’est que je suis un rescapé du cyclone », lâche-t-il.

De l’autre côté, sur l’île de Grande-Terre, la situation n’est pas meilleure dans le bidonville de Cazablanka. L’aide promise par l’État tarde à venir et les nombreux enfants du quartier se plaignent d’un manque de nourriture. Pour certains, comme Ouldia, ce n’est pas surprenant. « Nous n’avons jamais été considérés comme français par le monde extérieur », dit-il.


Pourtant, au sein de cette communauté, Comoriens et Mahorais se côtoient et vivent ensemble. Mais les idées reçues qui assimilent jeunesse des bidonvilles et délinquance n’ont pas disparu avec le passage du cyclone. Hassan* (son prénom a été modifié), 13 ans, explique que pour vivre ici, « il faut se débrouiller tout seul ». Déscolarisé, il joue avec ses amis avec des lance-pierres construits à partir de fils de fer et d’élastiques.

À Chirongui, au sud de Grande-Terre, la maison Oumeya accueille des jeunes entre 16 et 25 ans pour leur permettre de reprendre leur scolarité ou se réinsérer professionnellement. Sur l’île, le taux de chômage des jeunes atteint 50 %. Quelques jours après le cyclone Chido qui a frappé l’île le 14 décembre 2024, Mylène, coordinatrice de la maison, est partie à la recherche des jeunes qu’elle suit avec son équipe. « Quand je les ai retrouvés, ils étaient tous dans des situations très difficiles avec le passage du cyclone. Beaucoup d’entre eux vivent dans des maisons en tôle qui avaient été rasées », relate-t-elle.

Depuis la réouverture des portes de la maison Oumeya le 20 janvier dernier, l’école a renforcé son accompagnement sur les difficultés logistiques du quotidien, accentuées depuis le passage de Chido et surtout de la tempête Dikeledi, qui a frappé de plein fouet le sud de l’île le 12 janvier.

« Beaucoup de nos jeunes rencontrent des difficultés accrues d’accès à l’eau potable. S’y ajoutent un réseau de transport quasi inexistant et une réelle précarité alimentaire », détaille Mylène. Face à tous ces problèmes, Aïcha et Nassirania, travailleur du centre sont chargé d’accompagner les jeunes dans leur réinsertion professionnelle, mais aussi dans leur survie de tous les jours.

« En ce moment, on aide beaucoup les jeunes à remplir des dossiers pour recevoir une aide alimentaire, car beaucoup ne mangent pas à leur faim chez eux », disent les travailleurs sociaux. Après le chaos qui a frappé l’île, Mylène espère que la catastrophe permettra au moins de donner plus de moyens financiers à l’accompagnement de la jeunesse mahoraise.