Tiphaine vous recommande : « Lorraine brûle »

Tiphaine Guéret est journaliste et secrétaire de rédaction de Basta!
« Je vis dans la Lorraine sinistrée et peu attrayante mais on y trouve une énergie du désespoir. » Dans Lorraine brûle, Jeanne Rivière raconte cet ancien bastion industriel, du point de vue de ses marges. D’une écriture à la fois cash et raffinée, l’autrice entraîne ses lecteurs dans des concerts punk « sauvages sous le pont de l’A31 » ; dans la cuisine d’une grand-mère centenaire, dont la petite maison de cité ouvrière est estimée à 20 000 euros, jardin compris ; à l’intérieur d’un club libertin campé au beau milieu d’une zone industrielle. Un roman à la croisée de l’intime et du politique, où sont évoquées les luttes anti-CRA et la réforme des retraites ; la maternité et l’amitié.
Ivan vous recommande : « Elon Musk. Enquête sur un nouveau maître du monde »

Ivan du Roy est journaliste, co-rédacteur en chef de Basta!
Son auteur est britannique, mais la BD est introuvable en anglais. Les éditeurs anglo-saxons ont eu trop peur de la publier, elle n’existe donc que dans sa version française. Et pour cause : il s’agit d’une biographie d’Elon Musk, désormais l’homme le plus riche du monde. Très documentée, la BD déconstruit le mythe Musk et nous montre son immense talent pour… l’imposture. « Sans le soutien des contribuables américains, la fortune de Musk n’existerait pas. » En investissant progressivement dans Tesla, Space X, Neuralink ou Starlink, Musk s’en est accaparé les innovations, passant pour un inventeur génial capable de tout faire, et a su empocher comme aucun autre des milliards d’argent public pour développer ses entreprises malgré de nombreux crashs industriels. Avec la prise de contrôle de Twitter/X, il peut enfin exercer son principal talent, bien réel celui-là, celui de l’autopromotion sans vergogne.
Sophie vous recommande : « Greenbacklash. Qui veut la peau de l’écologie ? »

Sophie Chapelle est journaliste, spécialiste de l’écologie et notamment des questions agricoles et alimentaires
Ce livre est né du sentiment que quelque chose est en train de se produire qui n’est pas qu’un backlash anti-écolo supplémentaire. Dix ans après la signature de l’accord de Paris, comment résister à cette guerre contre l’écologie ? On y retrouve les contributions concises de 40 auteurs et autrices. Iels proposent un tour du monde de ce « retour de bâton » et analysent les éléments de langage – le fameux caractère catastrophiste ou punitif de l’écologie – pour mieux riposter. On se penche aussi sur ces lieux où se forge le greenbacklash : entreprises, lobby agro-industriel, forces de l’ordre, droit, médias... Un ouvrage de combat pour attaquer l’année 2026.
Théo vous recommande : « Quatre jours sans ma mère »

Théo Sire est journaliste, responsable du Portail des médias indépendants
Du jour au lendemain, le quotidien de Salmane, 36 ans, est bouleversé par un événement cataclysmique à l’échelle de sa routine à la « Caverne », sa cité HLM paisible en marge de la banlieue parisienne. Sa mère, retraitée sexagénaire, n’est plus là pour s’occuper de son père et lui. Elle les rassure dans un petit mot : tout va bien, elle promet de revenir. Mais c’est tout. C’est l’origine de leurs crises existentielles, qui durent quatre jours. Pour son premier roman, le journaliste Ramsès Kefi dresse avec humour les portraits plus que crédibles d’une mère, d’un père, d’un fils et de leur quartier, dont la banalité n’est qu’une façade prête à s’effondrer.
Rozenn vous recommande : « Les Enfants sacrifiés des pensionnats sanitaires »
Rozenn Le Carboulec est journaliste, spécialiste des questions de genre et de discrimination
C’est un scandale sanitaire majeur, et complètement méconnu, car tenu secret depuis de nombreuses années. L’histoire d’un système de maltraitances généralisées de dizaines de milliers d’enfants issus de classes populaires. Des années 1950 à 1980, nombreux ont été ceux à être envoyés par leurs parents, sur les conseils de médecins, dans des pensionnats sanitaires. En fonction de leur état de santé supposé, de petits citadins étaient placés dans des centres héliomarins, héritiers de la lutte contre la tuberculose et financés par la Sécurité sociale. Mais la plupart des enfants qui y ont été reclus n’y ont jamais vu la mer. Une enquête d’utilité publique, brillamment racontée, avec finesse et humanité, par ma consœur et journaliste membre du collectif Hors Cadre Fanny Marlier.
Nicolas vous recommande : « L’enfant de neige »

Nicolas Camier est responsable du développement de Basta! et coordinateur du Portail des médias indépendants
Mélange de conte, d’odyssée intime et de peinture de la rude vie dans l’Alaska du début du XXe siècle, cette histoire vous emmène avec délicatesse et retenue, presque sans en avoir l’air, vers des songeries existentielles sur la perte et la valeur d’une vie, même semée de difficultés. Rappelant Dans la forêt, de Jean Hegland, par ce regard sur la vie sauvage, à la fois minutieusement naturaliste et empreint de respect magique, ce livre porte la marque du rapport sensible de son autrice aux paysages âpres et sublimes de l’Alaska. Reporter pour The Frontiersman (un titre qui est en soi tout un programme…) puis libraire, Eowyn Ivey est né et vit toujours dans l’État le plus septentrional des États-Unis.
Rachel vous recommande : « Survivre. Une histoire des guerres de Religion »

Rachel Knaebel est journaliste, coordinatrice de la rédaction de Basta!
On prend du recul, dans le temps, avec Survivre, essai historique de Jérémie Foa. Dans son livre précédent, Tous ceux qui tombent, l’historien parvenait à incarner les victimes et les bourreaux du massacre de la Saint-Barthélemy à partir d’archives de notaires. Ici, il mène une enquête comme sociologique à travers les guerres de religion entre catholiques et protestants dans la France du 16e siècle. Il explore comment, en guerre civile, les mots deviennent des codes ou des condamnations ; les objets, les vêtements, les accents peuvent tout à la fois vous trahir ou vous sauver. C’est une traversée dans un monde où il faut mentir, se déguiser, simuler et dissimuler, où rien n’est fiable, les amitiés incertaines, le familier hostile.
Les livres de la rédaction : des multinationales et des sardinières

Pour finir, un peu d’auto-promo, en pleine période de campagne de dons. Car l’équipe aussi a publié des livres cette année :
« Multinationales. Une histoire du monde contemporain »
Un ouvrage collectif cordonné par Olivier Petitjean, de l’Observatoire des multinationales, et Ivan du Roy, rédacteur en chef de Basta!, avec les contributions de nos journalistes et de chercheurs, qui offre une fresque historique et critique inédite sur les entreprises qui ont contribué à façonner le monde dans lequel nous vivons. Des premiers câbles télégraphiques sous-marins aux géants du Web, d’IG Farben au pesticide RoundUp, de Rockefeller à Elon Musk, des « républiques bananières » au lobbying intensif, il retrace leur montée en puissance progressive jusqu’à nos jours. « Le livre de référence qu’on garde à côté de soi, une somme absolument incroyable », selon Christian Chavagneux, d’Alternatives économiques.
« Écoutez gronder leur colère. Les héritières de Penn sardin de Douarnenez »

Notre secrétaire de rédaction, Tiphaine Guéret, revient dans ce livre sur la grève victorieuse des sardinières de Douarnenez en 1924, en faisant le lien avec les luttes d’aujourd’hui. Car dans ce petit port du Finistère, cent ans après la mobilisation entrée dans l’histoire, des ouvrières continuent de travailler et de conditionner le poisson. En 2020, les trois dernières conserveries en activité fournissaient environ un millier des 7200 emplois de la ville. L’étripage et l’emboîtage sont encore largement réalisés à la main et ce sont toujours des femmes qui s’y collent. Des femmes du coin en fin de carrière, de jeunes intérimaires et, surtout, des « petites mains » exilées.
