Militante pour les droits des personnes handicapées, Gilet jaune et élue d’opposition à la mairie de Toulouse, Odile Maurin, 59 ans, qui se déplace en fauteuil roulant électrique, vient d’être relaxée le 11 mai par la cour d’appel de Toulouse.
En première instance, elle avait été condamnée pour des violences contre des policiers avec arme. L’arme en cause, c’était son fauteuil. En 2019, lors d’une manifestation de Gilets jaunes, un policier s’était emparé de la commande du fauteuil roulant. Le fauteuil s’était alors retrouvé propulsé contre un véhicule de police et un policier avait chuté. Odile Maurin avait eu cinq fractures au pied et des hématomes.
C’est grâce aux images vidéo de la scène que la quinquagénaire a été finalement relaxée [1]. Elle n’en a cependant pas encore fini avec les procès. D’autres procédures sont toujours en cours contre elle, entre autres pour des manifestations et des actions de protestation pour les droits des personnes handicapées. Basta! a recueilli son témoignage.
« C’est une bonne nouvelle d’avoir été relaxée dans ce procès, mais cela ne répare pas le préjudice que j’ai subi. Et je connais de nombreuses autres personnes condamnées par la justice pour des violences envers agents alors qu’elles étaient innocentes, ou alors qui ont subi une répression disproportionnée par rapport aux faits qui leur étaient reprochées, parmi les Gilets jaunes mais aussi parmi les militants du mouvement social depuis quelques années. Malheureusement, beaucoup se découragent et n’ont pas les moyens que j’ai eu pour me défendre. Je ne voudrais pas que cette relaxe occulte le sort des autres.
Par ailleurs, ce qui n’est pas acceptable, c’est qu’en première instance, je n’ai pas pu montrer les images qui ont prouvé mon innocence en appel. Le tribunal avait alors dit que les policiers étant assermentés, il n’avait pas besoin d’autres éléments. Là, le juge a fait son travail. Mais nous avons été confrontés à la difficulté de pouvoir transmettre nos preuves à la justice : nous n’avions pas de canaux qui nous permettrait de transmettre nos vidéos car leur poids était trop important.
Il a fallu que le magistrat demande une commission rogatoire, demande que les preuves soient enregistrées au commissariat pour que ceux qui m’accusaient soient confrontés à ces preuves que l’Observatoire des pratiques policières de Toulouse m’avait transmises.
Le 30 juin dernier, je suis aussi passée en appel pour le blocage d’un TGV et d’une piste d’aéroport en 2018. Les peines ont été abaissées en appel, mais nous n’avons pas été relaxés. J’avais été condamnée en première instance à six mois de prison avec sursis et mes camarades respectivement quatre mois et deux mois de prison avec sursis.
Dissuader le mouvement des personnes handicapées
En appel, mes camarades écopent d’amendes avec sursis et moi d’une amende ferme, car je suis considérée comme celle qui a entraîné les autres. Nous avons décidé d’aller en cassation. Car après des années de travail institutionnel pour tenter sans résultat de faire respecter nos droits à l’accessibilité, alors que la première loi sur l’accessibilité remonte à 1975, nous avons considéré que mener des opérations de désobéissance civile non-violente était le seul moyen de nous faire entendre.
On ira s’il le faut à la Cour européenne des droits humains, pour faire reconnaître qu’on a agi dans le cadre de la liberté d’expression et en état de nécessité, et que ce qu’on a fait était légitime par rapport à ce qu’on voulait dénoncer. Nous condamner, c’est une tentative de dissuader le mouvement des personnes handicapées de recommencer de telles actions. Nous le refusons. Mais ils nous manque encore 2500 euros pour payer l’avocat en cassation.
J’ai encore trois autres procès en correctionnel, pour des actions dans le mouvement des Gilets jaunes et pour les conséquences directes du procès pour lequel je viens d’être relaxée. Car en première instance, j’avais écopé de deux mois de prison avec sursis, d’un an d’interdiction de manifestation à effet immédiat et de dommages à verser aux policiers. J’avais été manifesté malgré tout au bout de onze mois en soutien aux soignants.
Et comme il est difficile de me cacher, avec mon fauteuil roulant et vu comme je suis connue à Toulouse, j’ai été poursuivie en correctionnel pour avoir participé à cette manifestation. J’ai été condamnée à une peine d’amende de 500 euros en 2021. Je voulais payer cette amende immédiatement, mais on me l’a refusé, et ensuite, je n’ai jamais reçu les documents permettant de payer. Face à une greffière du tribunal qui refusait d’appliquer la remise sur l’amende à laquelle j’avais droit malgré un nouveau document du parquet, et après plusieurs déplacements pour rien, je l’ai filmé en direct pour avoir des preuves de son refus et je suis poursuivie pour atteinte à l’image.
Et il y a un an, j’ai eu connaissance de nouvelles poursuites à mon encontre pour avoir insulté deux policiers en avril 2019. Après avoir été victime de tirs de grenades lacrymo et du canon à eau, j’avais bloqué ce dernier et pour me faire partir, un des policiers m’avait tordu le pouce occasionnant trois semaines d’attelle.
Par ailleurs, j’ai encore un procès qui doit arriver en appel suite à une condamnation il y a presque deux ans pour avoir participé à une opération des Gilets jaunes de péage gratuit, au cours de laquelle on avait eu l’intention de faire des blocages, qui n’ont pas eu lieu. Je n’ai rien bloqué du tout. En outre, on était 150 et je suis la seule à avoir été poursuivie, pour “entrave à la circulation”. Il y a un acharnement du parquet de Toulouse à mon égard.
Dans cette procédure, j’ai été condamnée à une amende et à une suspension de mon permis de conduire, alors que je conduis un véhicule aménagé pour le fauteuil, qui me permet d’être autonome et de ne pas dépendre de transports dits adaptés qui nécessite une réservation 15 jours avant. Sans ce véhicule, je suis condamnée à rester chez moi. J’ai fait appel de cette condamnation, mais je n’ai toujours pas de date pour l’audience.
J’ai 59 ans. Avant 2019 et les Gilets jaunes, je n’avais jamais eu de problèmes avec la justice. »
Photo : Une action de l’association Handi-social en 2018, avec Odile Maurin, de blocage d’un TGV pour dénoncer le manque d’accessibilité des transports publics. ©Handi-Social