Mal-logés

De la rue de la Banque à la rue de la Bourse

Mal-logés

par Françoise Galland

Aux cris de «  Madame Boutin, arrête ton baratin » ou « la loi Dalo, c’est du pipeau », les familles de l’association Droit au Logement se sont engouffrées ce 20 décembre dans l’immeuble chic, fraîchement rénové du 3, rue de la Bourse, dans le 2e arrondissement de la capitale. Une occupation coup de poing, bien préparée, dont le Dal a le secret.

Un premier rassemblement s’organise d’abord au quartier général, 24, rue de la Banque. Plusieurs familles y ont déjà installé un campement, et dorment dehors depuis plusieurs jours malgré le froid. Il est onze heure, ce samedi 20 décembre, et tout le monde est d’attaque : Olivier Besancenot est venu en soutien, Guy Bedos aussi, les militants de Jeudi noir sont là en voisin. La presse est au rendez-vous. D’un coup, la troupe se met en marche, les femmes, toujours très présentes, portent des ballots, leurs enfants dans la poussette. Jean-Baptiste Eyraud, président du Dal, emmène rapidement le petit cortège, qui passe en quelques minutes de la rue de la Banque à la rue de la Bourse. L’immeuble a été repéré, il est vide près à être livré aux futurs acquéreurs. La police, qui surveille depuis le début cette occupation, ne met pas longtemps a réagir. Les familles entrent le plus vite possible dans l’immeuble et la police s’en prend, avec violence à Jean-Baptiste Eyraud et quelques autres qui ferment la marche. Mais, ça y est, les familles ont pris possession de l’immeuble. Ceux qui n’ont pas pu ou voulu entrer restent à l’extérieur en manifestant avec énergie devant la police qui bloque désormais l’entrée.

Réponse à la politique de Christine Boutin

Cette opération est une réponse à la politique de Christine Boutin, ministre qui symbolise l’impuissance gouvernementale voire la mauvaise foi devant la crise du logement. La loi Dalo (droit au logement opposable) ne donne pas satisfaction, loin de là : elle permet théoriquement au demandeur de logement de se pouvoir en justice si sa demande reste lettre morte. Cette loi doit donc inciter les collectivités locales à mettre tout en oeuvre pour trouver des logements aux personnes qui en ont besoin. Mais le bilan est bien maigre : sur 50 000 demandes, seules 3750 familles ont été relogées à ce jour. L’heure est donc au recours contre l’Etat devant les tribunaux administratifs.

C’est aussi une manière de rappeler l’engagement du gouvernement : le 14 décembre 2007, celui-ci avait signé un accord stipulant que les 374 familles sans logis de la rue de la Banque seraient relogées dans un délai d’un an. Or, à ce jour, seulement 130 familles ont effectivement été relogées. C’est un avertissement aux députés qui doivent se prononcer sur la loi Boutin, en cours de discussion, considérée comme régressive, avec un budget du logement en baisse : le Livret A et l’épargne populaire sont détournées de leur vocation première, la construction de logements sociaux, pour voler au secours des banques et des promoteurs. Enfin, c’est une riposte au jugement qui condamne l’association droit au logement à une amende de 12 000 euros pour embarras sur la voie publique par le dépôt ou l’abandon d’objets, tentes, matelas, sacs de couchage, lors de l’occupation de la rue de la Banque l’an dernier (Art R 644-2 du Code Pénal).

« J’y suis, j’y reste, je ne partirai pas » continuent à scander les manifestants de la rue répondant en écho aux occupants de l’immeuble réquisitionné, fiers de cette initiative qui donne un peu de sel à la sirupeuse trêve des confiseurs.

Françoise Galland