Des collectifs d’habitants perturbent l’assemblée d’actionnaires d’une multinationale minière

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Des collectifs des quatre coins de la France se sont rassemblés à Paris contre les projets d’une multinationale minière française, Imerys. De la Bretagne à la Dordogne, tous sont impactés par l’extraction, poussée au nom de la transition écologique.

par Malo Janin

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« Les nouveautés 2025 ! Profitez du réchauffement : venez vous ressourcer au Parc Imeryx ! » lancent à la volée une vingtaine de personnes venues du Cantal, de Bretagne, de Dordogne et de l’Allier. Ils et elles se sont retrouvés ce 13 mai dans un quartier chic de la capitale, au quai de Grenelle, où se tient l’Assemblée générale des actionnaires d’Imerys, une multinationale minière française.

Ces collectifs d’habitants sont tous engagés, chacun dans leur département, contre quatre projets d’extraction minière sur le territoire français. Ils profitent de l’assemblée des actionnaires pour alerter les investisseurs sur l’impact environnemental de l’entreprise, distribuant des tracts humoristiques aux nombreux hommes vêtus de costumes noirs qui entrent dans les locaux.

Imerys extrait et transforme des minéraux, pour les secteurs des biens de consommation, l’industrie et la construction. Implantée dans 46 pays, la multinationale possède plus de 200 sites dans le monde et 28 en France, regroupant mines, carrières et usines. Et compte accroître son activité extractive en France.

« L’entreprise projette d’ouvrir une quatrième fosse d’extraction à Glomel, dans les Côtes-d’Armor, située sur une zone considérée comme le château d’eau de la Bretagne », dénonce un membre du collectif Mines de Rien. Imerys y exploite depuis plus de 50 ans une carrière d’andalousite – un minerai utilisé dans la sidérurgie – et une usine d’extraction.

Un autre projet d’Imerys a fait parler de lui récemment. Dans l’Allier, à Échassière et à Saint-Victor, la multinationale compte exploiter une mine de lithium ainsi qu’une usine de transformation du minerai pour produire la matière première pour 700 000 batteries de voiture par an.

Face cachée de la transition

Sur le parvis où sont distribués les tracts, l’un des responsables du projet d’Imerys dans l’Allier, sort à la rencontre des militants. Le projet doit « réduire la dépendance française et européenne à l’importation de lithium », explique l’homme, « stimuler l’économie locale » et « relever le défi de la transition énergétique ». « C’est un projet stratégique pour la décarbonation ! », lance-t-il.

Un homme en chemise et veste parle à un micro.
Lors du tractage, l’un des responsables d’Imerys est sorti défendre le projet de l’entreprise dans l’Allier.
©Malo Janin

Le gouvernement a reconnu le projet d’Imerys dans l’Allier comme étant d’intérêt national majeur, promettant de faire de la France le premier producteur de lithium européen. Et l’État y investit directement à hauteur de 100 millions d’euros d’argent public. Étienne, du collectif Stop Mines 03, n’est pas convaincu. « Si le lithium extrait sert à construire des SUV et détruire la planète, ça n’a aucun sens de parler de décarbonation ! » répond-il au représentant de l’entreprise.

L’appel à un débat sur les usages

En avril dernier, Imerys a organisé un séminaire sur l’usage du lithium au cours duquel des SUV de la marque BMW ont d’ailleurs été présentés... Autre argument sur la question de l’usage : « On ne peut pas se passer de cette ressource si on veut la transition, mais on peut pas l’utiliser pour fabriquer des maillots de bain connectés qui vous indique quand remettre de la crème solaire », ironise Étienne alors que l’AG se poursuit à l’intérieur.

Un homme en costume parle à deux personnes
L’une des militantes distribue les tracts humoristiques à un actionnaire.
©Malo Janin

« Nous, citoyens, demandons un débat public sur les usages de nos minéraux », réclame l’un des membres des collectifs au responsable d’Imerys.« On ne va pas, nous, Imerys, mener un débat public », répond le responsable, avant de repasser la porte du grand bâtiment où sont réunis les actionnaires. Le dialogue est clos. Mais dehors, l’action se poursuit.

Des territoires sinistrés

« Imerys exploite nos terres et s’étend telle une pieuvre dévorante », déplore au micro Nathalie, de l’association Sauvegardons Razac et le Bassin de la Cole, en Dordogne. La multinationale prévoit d’y étendre son extraction de quartz sur 40 hectares. Le minerai est notamment utilisé dans les domaines de l’électricité et du numérique.

À Nouvialle, dans le Cantal, Imerys souhaite extraire de la diatomite, minerai utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour ses propriétés filtrantes. « Les 400 hectares concernés sont au centre d’un fragile équilibre, régulent naturellement le cycle de l’eau, c’est une ressource fourragère pour les agriculteurs, et ils abritent 142 espèces protégées », dénonce Chantal du Collectif pour la narse de Nouvialle, une zone humide.

Une femme parle dans un micro.
Chantal est venu plaider la cause du Collectif pour la narse de Nouvialle, qui rassemble plus de 3000 personnes.
© Malo Janin

À Glomel, là où se trouve la carrière d’andalousite, les landes, tourbières et prairies humides laissent la place à des bassins de décantation remplis d’eau acide. Imerys y raffine sa production d’andalousite. Comme le révélait le média breton Splann ! l’année dernière, des taux anormalement élevés de nickel, cobalt, arsenic et autres métaux toxiques ont été retrouvés dans un ruisseau où la multinationale rejette chaque année 1,5 million de mètres cubes d’eaux usées. « On a l’impression d’être une population et un territoire sacrifié au nom du profit et de l’andalousite », se désole l’un des membre de Mines de Rien.

Alors que le collectif de Glomel clôt sa prise de parole, une longue silhouette colorée apparaît de l’autre côté de la rue. Drapé d’une chemise bleue recouvrant ses tentacules jaunes, vertes et rouges, une grande marionnette prend place sur le parvis du bâtiment accueillant l’AG. Nommée Pelletassou, elle porte une pancarte « Imerys » et ses bras sont en forme de pelleteuse. Ce monstre carnavalesque inspiré de la culture occitane représente « la grande machine extractiviste ». « Pelletassou a été jugé par un tribunal populaire. Demain il sera au Parlement Européen, pour sensibiliser les dirigeants à la réalité que nos riverains vivent », explique François, l’un des militants, en souriant. Sur d’autres sites de production, ailleurs dans le monde, Imery est régulièrement accusé de générer des pollutions, comme à Barcarena, aux portes de l’Amazonie brésilienne.