La plus grande serre à tomates d’Europe pourrait-elle s’implanter dans la commune d’Isigny-le-Buat, 3000 habitants, dans la Manche ? Une première victoire vient d’être remportée par les opposants. La préfecture a annoncé le 12 novembre qu’elle refusait d’accorder l’autorisation environnementale à ce projet porté par le groupe hollandais AgroCare. En cause : « des manques et insuffisances ne permettant pas l’appréhension complète des impacts de différentes natures sur l’environnement proche et éloigné du site projeté », relate France Bleu. Les impacts sur la ressource en eau seraient, en particulier, insuffisamment évalués.
Comme le rappelle le site d’informations normand Grand Format, « AgroCare est l’un des plus grands producteurs de tomates sous serres d’Europe, également implanté au Maroc et en Tunisie ». L’investisseur hollandais dispose déjà de deux serres dans la Manche, à Brecey et Isigny-le-Buat. Les tomates poussent dans la laine de roche et sont dopées à l’engrais chimique, avant d’être vendues sur les étals français sous l’étiquette des « Maraichers du Mont-Saint-Michel ». En février dernier, l’entreprise a déposé un permis de construire, pour agrandir la serre actuelle de 12 à 32 hectares d’ici 2026. Soit l’équivalent de 46 terrains de football.
Dans la Manche, ces usines à tomates font polémique. « Les terres ont été rachetées au-dessus du prix du marché au détriment de l’élevage laitier local » relève Grand Format. L’association environnementale Manche Nature dénonce également des serres éclairées la nuit et chauffées au gaz naturel toute l’année. Une enquête de Reporterre démontre par ailleurs que l’entreprise néerlandaise est assez opaque sur les conditions de travail de ses employé es.
Bien que ces projets aient tout d’une aberration écologique et sociale, des dizaines de millions d’euros sont levés auprès des marchés financiers. Ainsi, en 2020, le fonds d’investissement NPM Capital a rejoint AgroCare. Ce dernier a fusionné cette année avec le groupe CombiVliet pour atteindre les 500 hectares de serres chauffées, quand le territoire français comptait en 2022 un peu plus de 1000 hectares de serres chauffées. Le fondateur de AgroCare, Kees van Veen, a récemment annoncé viser les 1000 hectares d’ici 2030 : « Nous pensons qu’à ce moment-là, il ne restera plus qu’une poignée d’entreprises de culture de tomates pour desservir le marché européen. »
Le collectif « Stop Tomates Industrielles » a récemment remis à la municipalité une pétition de 1700 signatures contre le projet. Le refus de la Préfecture est évidemment perçu comme un très bon signal pour les opposants, mais les membres du collectif n’entendent pas relâcher leur vigilance. Comme le souligne Grand Format, « une nouvelle demande de permis de construire pourrait encore être déposée ». Le collectif et la Confédération paysanne ont donc décidé de maintenir la manifestation prévue ce samedi 16 novembre à partir de 13h, dans le bourg d’Isigny-le-Buat. La marche sera suivie d’une soirée festive.