Une usine de la multinationale chimique BASF, en région lyonnaise, produit et stocke un insecticide interdit d’utilisation en France. L’information, confirmée par la préfecture du Rhône le 2 juillet, a été révélée suite à une action des faucheuses et faucheurs volontaires menée quinze jours plus tôt. Le 23 juin, une cinquantaine de militants ont réalisé une « inspection citoyenne » sur le site de BASF de Genay. Ils se sont introduits sur le site pour vérifier si BASF continuait de produire et d’exporter des pesticides interdits en France.

Une première « inspection citoyenne », en mars 2022, avait révélé la présence de Régent TS, un insecticide interdit d’utilisation en agriculture en France depuis plus de vingt ans. Trois ans après, les faucheuses et faucheurs volontaires ont décidé de réitérer cette action. « Cette inspection [du 23 juin 2025] n’a pas pu se prolonger beaucoup à cause de l’intervention de la police, mais nous avons quand même repéré du Fastac, et sa matière active, l’alpha-cyperméthrine, tous deux interdits à la production et à l’exportation depuis la France », explique un faucheur.
Le collectif a photographié une palette de 250 kg de Fastac mentionnant une date de fabrication au 1er janvier 2025, soit trois ans après l’entrée en vigueur de la loi Egalim. Or, cette même loi interdit précisément de produire, de stocker et de faire circuler - donc d’exporter - les produits phytosanitaires composés de substances actives qui ne sont pas autorisées en France en raison de leur impact sur la santé et l’environnement.
En l’occurrence, le Fastac, insecticide longtemps utilisé sur les vignes ou les céréales, a été retiré du marché français en octobre 2020. Et la substance active à partir de laquelle il est fabriqué, l’alpha-cyperméthrine, n’est plus autorisée dans toute l’Union européenne depuis 2021. Pour les faucheuses et faucheurs volontaires, la présence de ce pesticide et de sa substance active dans l’usine, signifie que « BASF est hors-la-loi ».
BASF, sous le coup de la loi
L’affaire ne s’arrête pas là. L’action a notamment donné lieu à des articles dans Mediapart et Le Monde. Puis, le ministère de la Transition écologique a décidé de mobiliser la direction régionale de l’environnement et de l’aménagement du territoire (Dreal) pour effectuer des contrôles dans l’usine et vérifier la conformité des pratiques industrielles du site de BASF avec le droit en vigueur. « C’est la première fois que l’État se saisit des révélations faisant suite à une inspection citoyenne », se réjouit un faucheur contacté par Basta!.

L’inspection de la Dreal a finalement été diligentée le 30 juin dernier, à la demande de la préfète du Rhône, Fabienne Buccio. « Cette inspection a permis de confirmer la production et la présence de stocks de produit phyto-pharmaceutique Fastac contenant de l’alpha-cyperméthrine, destiné à l’export, ce qui est interdit par la loi Egalim », indique la préfecture du Rhône dans un communiqué du 2 juillet.
« L’alpha-cyperméthrine est approuvée par l’Organisation mondiale de la santé pour une utilisation dans les moustiquaires », se défend BASF, avant d’ajouter que « les biocides ne relèvent pas de la législation Egalim ». Toujours d’après la multinationale, « la production de Fastac en tant que produit phytosanitaire est conforme à la loi Egalim, puisque le retrait de l’approbation de l’alpha-cyperméthrine par l’UE en 2021 n’a pas été motivé par des risques environnementaux ou sanitaires ».
Pourtant, d’après le site de l’Agence européenne des produits chimiques, l’alpha-cyperméthrine est toxique pour les milieux aquatiques et pour les humains. « BASF continue à jouer avec les mots », déplore un faucheur. L’argumentaire déployé par le géant allemand de l’agrochimie ne semble pas avoir convaincu les autorités françaises. Selon Le Monde, la Dreal « proposera très prochainement à la préfète du Rhône les suites administratives à cette inspection ».
Failles législatives
Une enquête de Public Eye et Unearthed, la cellule investigation de Greenpeace Royaume-Uni, avait révélé en septembre 2024 que la France continuait à exporter des milliers de tonnes de pesticides interdits, vers des pays comme le Brésil, l’Ukraine ou encore l’Inde, malgré les promesses faites par le gouvernement de remédier aux lacunes flagrantes de la législation. Ces exportations ont de terribles conséquences pour les pays destinataires.
La proposition de loi Duplomb, qui sera examinée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 8 juillet, prévoit notamment l’interdiction de la production, du stockage et de la distribution - notamment pour l’exportation - de produits phytosanitaires interdits à l’usage en France, mais seulement à partir de 2026. Sauf que cette même proposition de loi veut réautoriser des pesticides qui avaient précisément été interdits en France. C’est le cas de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit sur le territoire national depuis 2018.