© Benoit Ravidat
Comment préparez-vous votre campagne ?
Je continue d’observer le mal logement en France. Je reviens d’une co-propriété délabrée, totalement à l’abandon, de près de 6000 logements à Clichy Montfermeil (Seine-Saint-Denis). Les propriétaires occupants ont accumulé des dettes de charges. Si ces logements sont saisis, ils seront revendus à très bas prix. Les familles rembourseront à peine leur endettement et perdront leur logement. Il faut parvenir à réhabiliter à un coût raisonnable afin de réduire les coûts d’entretiens et d’énergies. Si les charges baissent, ces propriétaires pourront rembourser leurs dettes et rester chez eux. Pour l’instant, il est prévu une réhabilitation « high-tech », très coûteuse. Les syndics de copropriété n’ont pas le mot à dire, l’Etat étant devenu l’administrateur judiciaire.
La région n’a pas de compétence directe sur le logement. Pourquoi en faire votre cheval de bataille ?
Il y a un tel retard sur l’Île de France ! La région bénéficie d’une clause de compétences. Si elle estime qu’elle doit intervenir pour l’intérêt général, elle peut sortir de ses compétences exclusives. Nous pouvons faire des arbitrages sur le budget au profit de l’urgence sur le logement. Dix millions de personnes en France sont concernées par la crise du logement.
Quel investissement prévoyez-vous ?
Europe-Ecologie veut doubler le budget, le faire passer à 400 millions d’euros par an. Soit 200 000 réhabilitations, 50 000 acquisitions-rénovations, 100 000 PLAI (Prêt locatif aidé d’intégration), du logement très social.
Hormis le budget régional, comment financer ce projet ambitieux ?
Premier outil financier : il faut se tourner vers des fonds d’investissement privé, et tenter de lever 2 milliards d’euros. Deuxième outil : les fonds de retraite. Rappelez-vous du Fonds de réserve des retraites géré par la Caisse des dépôts et consignations : il a perdu 3 milliards d’euros pendant la crise sur les marchés financiers. L’Europe doit nous inspirer : en Angleterre ou en Suède de nouveaux modes d’épargnes et de financements soutiennent des projets d’intérêt général.
Des fonds privés au service de l’intérêt général !? Comment comptez-vous rémunérer ces investissements qui ne seront pas philanthropiques ?
Il faut chercher des fonds privés prêts à une rentabilité sur le long terme et sans bénéfice excessif. Investir dans du logement social de qualité basé sur une mixité sociale, c’est un gage de revenu financier. Si nous lançons notre propre opérateur, nous pourrons recréer de l’offre à tous les niveaux. Faire des partenariats avec des formations, des entreprises d’insertion, l’enseignement. En Île-de-France, un seul IUT prépare spécifiquement aux métiers dédiés aux nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie. Tout cela, c’est de l’emploi non délocalisable !
N’est-ce pas s’écarter de la problématique des sans-abris ?
Non. 3,5 millions de Français sont mal-logés et plus de sept millions sont en difficulté. Selon le rapport de la Fondation Abbé Pierre : 3,5 millions de personnes sont également en précarité énergétique. L’UMP et le PS veulent décongestionner le logement social par le haut en créant du logement pour la classe moyenne et ainsi fluidifier le parc HLM. De notre côté, nous tentons de prendre en compte tous les nouveaux visages de la précarité : les personnes au Smic, les familles monoparentales, les intérimaires... Il est possible de construire à 1000 euros par m2, hors coût d’achat du foncier. Mais trop de gens se gavent à tous les niveaux sur les réhabilitations, dont les opérateurs.
Le grand Paris, ça vous botte ?
Paris compte 4 millions de m2 de bureaux vides, et le marché se tasse. Il y a une vraie incohérence à continuer dans ce sens. Il faut donc se battre contre le grand Paris, le projet de Sarkozy et Christian Blanc, un Paris affairiste, pâle copie de la Silicon Valley. On investit des milliards d’euros pour des transports très coûteux et on oublie l’innovation du réseau.
Vous avez déjà fait les frais de promesses non tenues depuis les mobilisations de sans-abris. Aujourd’hui, ne faites-vous pas vous-mêmes des promesses électorales inconsidérées ?
C’est vrai qu’au Conseil régional, je n’aurai pas de mandat contre les expulsions locatives par exemple. Seule la préfecture peut dresser des constats d’insalubrité et assigner par injonction les marchands de sommeil. En 2007, les constructions plafonnaient à 4000 logements très sociaux. Nous avons quand même obtenu un plan de financement de 20 000 constructions de logement très sociaux par an. Avec 15 000 par an, cet objectif est presque réalisé. Nous avons obtenu un milliard de la Caisse des dépôts. En plus de la construction, la transformation de l’hébergement d’urgence était planifié : 27 000 places supplémentaires en centre d’hébergement en chambre. Le discours de Borloo sur la sortie de crise aurait été parfait s’il avait été suivi d’une prise de conscience réelle et d’une montée en puissance de ce plan. Il faut en finir avec la gestion saisonnière et coûteuse de la pauvreté. On peut libérer de la place dans les centres d’hébergement d’urgence pour les personnes qui devraient être dans des logements sociaux. Il faut les désengorger : pas la peine d’appeler le 115 tous les jours quand on peut accéder à du logement social. Construisons et donnons la preuve par l’exemple.
La région fera-t-elle valoir le droit au logement opposable ?
Oui, même si l’Etat se fiche pas mal d’être au final condamné car il peut minorer ses condamnations. Zéro SDF, c’est possible ! Des politiques publiques conséquentes également. Nous avons obtenu des engagements et des décrets, un comité de suivi de cette loi. Mais si les lois ne sont pas appliquées...
Recueilli par Nedjma Bouakra