La Moldavie a voté pour l’Europe

Démocratie

Les élections législatives moldaves du 28 septembre se sont déroulées sous la menace de tentatives d’ingérence russe. Malgré tout, le pays a choisi la voie pro-européenne. Un signal pour tout le continent, en particulier l’est de l’Europe.

par Emma Bougerol

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« Prise entre deux mondes opposés, la Moldavie est en proie à une crise d’identité, tout comme moi. Nous recherchons tous deux un endroit où notre héritage puisse se concilier avec nos ambitions », écrit la journaliste Natalia Jidovanu, revenue dans ce pays 20 ans après l’avoir quitté. Dans un essai publié par le média russe en exil Meduza, elle dresse un parallèle entre son expérience de jeune Moldave déracinée et la trajectoire historique de son pays : « Notre passé, façonné par de puissantes influences extérieures et une lutte pour la liberté, continue d’influencer notre présent. »

Cette lutte pour la liberté s’est lue dans les urnes du pays, lors des législatives du 28 septembre. Le scrutin a eu lieu sous la menace de tentatives d’ingérence russe. Deux jours avant le vote, le média italien Facta prévenait : « La combinaison de la polarisation politique, de la fragilité institutionnelle et d’un système médiatique fragmenté rend le pays particulièrement vulnérable aux pressions extérieures et aux tentatives de manipulation. »

Dans ces élections, le Kremlin a utilisé « tous les moyens déloyaux à sa disposition »

Ces tentatives d’influencer les élections ont notamment été repérées par le média roumain Context, qui s’est penché sur un réseau de chaînes Telegram se faisant passer pour des médias locaux moldaves, mais qui sont en fait pilotés par la Russie. « Nous avons franchi le rideau numérique du Kremlin et analysé les informations cachées derrière les chaînes d’information locale », explique le site indépendant.

Toutes « diffusent discrètement de la propagande politique en faveur des candidats pro-russes aux élections législatives » et sont coordonnées par des militants pro-russes, payés par un oligarque moldave en fuite, Ilan Shor. Celui-ci a, selon Context, dépensé près de 3 millions d’euros depuis 2024 dans cette propagande. Mais ni ses efforts ni les autres tentatives d’ingérence de Moscou n’ont suffi : la Moldavie a choisi le parti pro-européen de la présidente Maia Sandu. Son parti a obtenu la majorité des voix.

La presse internationale salue le choix des Moldaves. « En tenant tête à Poutine, ils ont peut-être rappelé à l’Europe pourquoi sa démocratie est si précieuse », lit-on dans The Guardian. La victoire est d’autant plus grande que « le Kremlin a utilisé “tous les moyens déloyaux à sa disposition” – des mots du gouvernement – pour faire échouer l’ambition de la Moldavie d’adhérer à l’UE d’ici 2030 », poursuit le journal britannique.

Tournant pour la Tchéquie, espoir pour la Hongrie

Désormais, les yeux de la presse européenne se tournent vers la Tchéquie, où se rejoue les 3 et 4 octobre la bataille entre candidats pro-européens et russophiles. C’est « une élection parlementaire décisive qui pourrait entraîner des conflits avec l’UE sur des questions allant de la migration à la politique climatique », décrit The Guardian.

Cette élection a des enjeux bien plus larges que la simple politique nationale. L’oligarque Andrej Babiš et sa coalition eurosceptique pourraient revenir aux manettes. « Le vote sera suivi de près à Bruxelles, qui envisage avec inquiétude la possibilité d’un troisième agitateur anti-UE en Europe centrale, aux côtés de la Hongrie et de la Slovaquie, avec des implications potentielles pour le soutien du bloc à l’Ukraine », complète le quotidien.

Orbán pourrait pourtant ne pas tenir longtemps. Si l’on en croit l’analyse de VSquare, « Viktor Orbán est confronté à des défis politiques comme il n’en a pas connu depuis 20 ans ». Le média transnational d’Europe de l’Est décrit le « modèle illibéral » de Viktor Orbán comme menacé et « moins attrayant dans le monde entier ». L’élection de l’année prochaine pourrait déterminer la survie de ce modèle.

Si le parti d’Orbán, le Fidesz, « parvient à remporter les élections, Orbán poursuivra sa politique actuelle. En revanche, s’il perd, le modèle Orbán pourrait rapidement devenir un exemple à ne pas suivre. » Cette fin 2025 et l’année 2026 seront déterminantes dans la trajectoire que prendra l’Europe face à la Russie, qui poursuit pour l’instant sa guerre contre l’Ukraine.