Y aura-t-il des services d’urgences ouverts à Noël ? C’est la question que se posent des milliers d’habitants dans des villes où les hôpitaux sont en tension permanente. Pendant l’été et les fêtes de fin d’année, la situation peut empirer.
En médecine de ville aussi, se faire soigner est de plus en plus difficile dans un nombre croissant de communes. Près d’un tiers de la population française vit dans un désert médical. Et pourtant, à travers la France, des citoyens, des médecins et des élu es développent des initiatives pour un accès aux soins pour tout le monde, partout.
Des centres de santé lancés par des collectivités
Des professionnels de santé et des élus locaux de différents bords politique s’engagent par exemple pour créer des centres de santé de médecine générale où les praticiens sont salariés.
Près d’un millier de centres de ce type sont recensés en France (2023), un chiffre en progression constante ces dernières années. 40 % de ces centres sont gérés par des acteurs publics : collectivités territoriales, services de santé universitaires, centres hospitaliers. Les autres sont principalement conduits par des associations (donc à but non lucratif) ou des organismes comme des mutuelles.
Des médecins solidaires
Depuis 2022, un collectif de généralistes réunis dans l’association Médecins solidaires s’organise pour apporter des soins dans les zones sans praticiens. Plus de 500 médecins généralistes volontaires sont engagés dans cette association. « Un chiffre en constante augmentation », précise Médecins solidaires.
Ils et elles se relaient pour exercer plusieurs semaines par an dans des centres de santé créés par l’association, assurent plus de 30 000 consultations annuelles, et ont permis à plus de 5000 patients d’avoir, enfin, un médecin traitant. En seulement deux ans, l’association a ouvert sept centres de santé dans des zones de désert médical, dans la Creuse, le Cher, la Nièvre, la Haute-Vienne, les Deux-Sèvres et l’Indre. Le dernier né a ouvert ses portes début décembre, à Reuilly, en Centre Val-de Loire.
Le nouveau centre de santé de Médecins solidaires y accueillera chaque semaine undans le centre de Charenton-du-Cher.
e généraliste du collectif. Ouvert 50 semaines par an, il pourra être choisi par 1250 patients comme « médecin traitant ». Deux nouveaux centres de santé de l’association doivent ouvrir en 2025 et deux autres en 2026. Avec Basta!, nous étions allés à la rencontre de ces médecins engagés et de patients reconnaissantsUne maire veut monter un hôpital de campagne
À Decize, dans la Nièvre, une maire a mis sur pied un « hôpital de campagne » en novembre pour interpeller l’État et l’agence régionale de santé sur la pénurie de médecins dans la zone. « En 2024, la commune de 5000 habitants compte deux praticiens, contre neuf il y a quinze ans. Les urgences de la ville sont quant à elles régulièrement fermées », soulignait France3 dans un article début novembre. `
En octobre, constant que ses concitoyens ne peuvent tout simplement plus se faire soigner, la maire (PS) Justine Guyot avait pris un arrêté symbolique interdisant à ses administrés de tomber malade. Une soixantaine de communes de la Nièvre ont rejoint le mouvement, ce qui a permis d’attirer l’attention des médias.
Justine Guyot est alors contactée par l’association des médecins étrangers diplômés hors Union européenne (l’association Ipadecc, pour “Intégration praticiens à diplôme étranger engagés contre la crise”). Celle-ci milite pour la régularisation des praticiens diplômés en dehors de l’UE. Ils et elles sont environ 4000 à travailler dans les hôpitaux français, souvent de manière précaire, et sous- payée pour leur qualification.
Ensemble, l’élue et l’association voulaient organiser une journée de consultations gratuites de spécialistes à Dezice. Finalement, « l’hôpital de campagne » n’a pas pu proposer de consultations, mais a été l’occasion de parler publiquement de cette mesure possible pour lutter contre les déserts médicaux : faciliter l’exercice de ces praticiens étrangers qui travaillent déjà en France, mais n’ont pas le droit de s’installer comme médecins dans les déserts médicaux.
Des parlementaires proposent de réguler, en vain
Au Parlement, des éluune proposition de loi transpartisane qui vise notamment à réguler l’installation des médecins.
es de divers partis essaient depuis plusieurs années de faire adopter une régulation de l’installation des médecins pour lutter contre les déserts médicaux. Mi-novembre encore, le député socialiste Guillaume Garrot a présentéL’élu PS de Mayenne est engagé avec 95 autres député
es au sein d’un d’un groupe de travail sur la désertification médicale. Le texte présenté le mois dernier a été signé par 237 députés issus du Nouveau front populaire, mais aussi des partis qui soutenaient l’ancien gouvernement, et du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Ce groupe de travail souhaite que la proposition de loi puisse être débattue au cours du premier trimestre 2025.Une première version de la proposition de régulation médicale avait déjà été déposée en 2023, elle-même précédée par une proposition similaire en 2019, déjà par Guillaume Garrot. En 2021, c’était un sénateur LR qui demandait lui aussi à réguler l’installation des médecins. À chaque fois, ces propositions ont été refusées. À chaque fois, les syndicats de médecins s’y sont fermement opposés.
Les dentistes acceptent la régulation
Pourtant, d’autres professions médicales sont déjà régulées : kinésithérapeutes, pharmaciens, sage-femmes, infirmières et infirmiers en libéral. Elles et ils ne peuvent s’installer dans une zone que si celle-ci n’est pas déjà sur-dotée.
À partir de janvier, l’installation des dentistes va à son tour être encadrée : les nouvelles installations ne pourront se faire, que ce soit en libéral ou salarié en centres, que dans les zones qui ne sont pas déjà relativement bien dotées.
Il était temps. Car plus de la moitié de la population française vit dans un territoire très sous-doté ou sous-dotées en chirurgiens-dentistes. Eux aussi avaient longtemps refusé toute régulation.