
Les temps ne sont pas bons pour Google, Meta ou Apple. Du moins devant les tribunaux américains. « Les États-Unis entament un processus visant à déterminer comment briser le monopole de Google sur les moteurs de recherche », résume elDiario AR. Le 21 avril s’est ouvert un procès antitrust dont le délibéré pourrait forcer la multinationale à abandonner une partie de son empire.
Google n’en est pas à son premier procès – ni à sa première condamnation – sur les questions de monopole, comme le rappelle le média indépendant argentin. À plusieurs reprises, les juges ont reconnu coupable l’entreprise, sur sa gestion des publicités, son Play Store, ou son moteur de recherche. Cette fois, c’est la manière de briser le monopole qui est discutée. « Les procureurs ont adopté une position très ferme, en envisageant y compris la possibilité de forcer Google à vendre Chrome », son navigateur internet, écrit le site d’information.
Des millions d’euros d’amendes pour Apple et Meta
« Malgré sa génuflexion devant Donald Trump au début de son mandat, Meta n’a pas non plus réussi à se soustraire aux procédures antitrust engagées par le gouvernement américain », élargit The Guardian, dans sa newsletter tech. Le procès de Meta a commencé le 14 avril et a « d’autant plus d’importance que la Commission fédérale du commerce souhaite que l’entreprise restructure ou vende une partie de ses activités, notamment Instagram et WhatsApp ».
En parallèle, l’Union européenne (UE) a condamné Apple et Meta à verser respectivement 500 millions et 200 millions d’euros d’amende pour non-respect de la législation européenne. « Apple est puni pour ses politiques restrictives dans son propre App Store. Meta aurait violé les règles de l’UE sur la protection des données et la liberté de choix avec son modèle d’abonnement pour Facebook et Instagram », résume le journal allemand Taz. Le périodique indépendant précise tout de même que le montant demandé est bien inférieur à la sanction de 10 % du chiffre d’affaires prévue dans les textes européens.
Mais la résistance aux grandes entreprises de la tech n’a pas lieu qu’au niveau des institutions occidentales. Et la mise à mal des droits des personnes ne concerne pas que les données personnelles, elles touchent aussi des travailleur
euses dans leur quotidien. Ainsi, en République démocratique du Congo, au Kenya comme au Ghana, la fronde s’organise.D’abord, au niveau étatique. « C’était le 17 décembre dernier et l’annonce a fait l’effet d’une petite bombe dans le monde de la tech’ : l’État congolais, propriétaire de l’une des plus vastes réserves de minerais essentiels à la production d’appareils électroniques de pointe, a déposé plainte contre l’entreprise américaine Apple, raconte Equal Times le 18 février 2025. Kinshasa accuse la marque à la pomme de s’approvisionner en minerais congolais pillés dans l’est de la République démocratique du Congo et exportés illégalement via le Rwanda, avec l’aide du groupe rebelle M23. »
Au Kenya et au Ghana, des modérateur
rices s’organisentLa résistance vient aussi des tribunaux, comme au Kenya, où « le 3 avril, la Cour suprême du pays a décidé d’accepter une plainte déposée par deux Éthiopiens contre Meta pour avoir promu des contenus incitant à la violence ethnique et aux meurtres en Éthiopie entre 2020 et 2022 », écrit le média brésilien Agência Pública. Si le tribunal a accepté de se saisir de l’affaire venue du pays voisin, c’est dans l’intérêt général, explique le média brésilien, au vu du grand nombre de travailleurs que Meta emploie au Kenya.
Ces poursuites pourraient forcer la main de la multinationale, car « Meta devra continuer à répondre à la justice de différents pays si elle veut utiliser leur main-d’œuvre et leur clientèle ». En 2023, 185 modérateur
trices de contenu kényans avaient déjà poursuivi Meta et l’entreprise intermédiaire Samasource pour demander une compensation suite aux traumatismes subis par le visionnage massif de contenus violents ou choquants à modérer et aux mauvaises conditions de travail.Dans la même lignée, des travailleurs ghanéens employés par un sous-traitant ont décidé eux aussi de poursuivre Meta, rapporte The Guardian. « Les modérateurs travaillant pour Majorel à Accra affirment qu’ils ont souffert de dépression, d’anxiété, d’insomnie et de toxicomanie en conséquence directe du travail qu’ils effectuent pour vérifier les contenus extrêmes. »
Mettre au jour « une industrie secrète et d’exploitation »
Ces situations de détresse ne sont pas isolées : « Facebook et d’autres grandes entreprises de réseaux sociaux emploient des armées de modérateurs de contenu, souvent basés dans les régions les plus pauvres du monde, pour supprimer les messages qui enfreignent leurs normes communautaires et pour former des systèmes d’intelligence artificielle à faire de même. »
L’African Content Moderators’ Union (ou Syndicat des modérateurs de contenus africains) est né en 2023 justement pour répondre à cette problématique à l’échelle du continent. Avec PersonalData.IO (une association pour la défense de la protection des données personnelles), réunies dans un projet appelé « Data4Mods », les organisations publient ce mois une carte du travail de modération du contenu et d’étiquetage des données en Afrique.
« La carte permet d’éclairer ce qui est une industrie secrète et d’exploitation », lit-on sur le site. Une étape supplémentaire dans la visibilisation de la lutte pour des conditions de travail décentes, et une prise en compte de la santé mentale de ces dizaines de milliers de travailleur
euses. De quoi, peut-être, renverser le rapport de force avec les plateformes.