Un an de prison et 15 000 euros d’amende. Voilà ce que risque la conseillère régionale écologiste d’Auvergne-Rhône-Alpes Maud Grard pour avoir porté une écharpe tricolore, le 16 octobre 2024. Elle est convoquée au tribunal correctionnel de Privas, en Ardèche, mardi 7 octobre.
Tout commence l’an dernier, le 10 octobre 2024. Maud Grard se rend sur un terrain où doivent être abattus des arbres afin de construire une déviation autour de la commune de Saint-Péray, en Ardèche. L’élue écologiste tente d’arrêter cet abattage. La préfète de l’époque, Sophie Élizéon, s’était engagée à ce qu’aucun arbre ne soit coupé. Pour se faire entendre et reconnaître comme élue, Maud Grard arbore alors une écharpe bleu-blanc-rouge floquée du nom de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
« Si je n’ai pas d’écharpe à ce moment-là, la police ne sait pas qu’elle a affaire à une élue et j’ai moins la possibilité de discuter », défend l’élue écolo. C’est ce qu’elle tente ce jour-là : interpeller, de loin, le directeur général des services de la communauté de communes Rhône-Crussol, opératrice et co-financeuse de la déviation. Le président de la communauté de communes, Jacques Dubay, porte alors plainte pour port illégal d’écharpe tricolore. Le 18 décembre 2024, Maud Grard est convoquée au commissariat.
Volonté d’être identifiée
L’histoire aurait pu en rester là, mais la procureure décide de poursuivre l’élue. Car les écharpes tricolores officielles sont celles portées par les maires et les parlementaires. Les élus départementaux et régionaux n’ont pas d’accessoires officiels. Mais certains, comme ceux d’Île-de-France, du Maine-et-Loire ou récemment ceux de la métropole de Lyon, ont confectionné des écharpes aux couleurs de leurs territoires. C’est une écharpe de la sorte que portait Maud Grard le 10 octobre 2024.

« Je porte cette écharpe pour être identifiée lors des cérémonies officielles ou pendant des manifestations », explique-t-elle. Le ministère de l’Intérieur indique dans un document qu’« aucun texte n’interdit à un exécutif local de définir par délibération, les modalités d’une écharpe ou d’un signe distinctif quelconque, sous réserve qu’il n’existe aucune confusion possible entre le port de ce signe distinctif avec une écharpe tricolore ».
Dans le cas de Maud Grard, c’est l’opposition au conseil régional qui a décidé de faire confectionner des écharpes, pas une délibération de l’exécutif. L’écharpe de l’élue écolo, si elle est bien tricolore, n’est pas identique à celles des maires. Le bleu y est au centre et représente une bande beaucoup plus importante que les liserés latéraux blancs et rouges.
De son côté, l’ancien président du conseil régional Laurent Wauquiez (LR) avait proposé un pin’s, dont personne ne voulait. Puis l’exécutif régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a modifié le règlement intérieur du conseil régional en décembre 2024 pour interdire le port d’une écharpe au nom de la région. Et en avril 2025, l’élue écologiste reçoit une convocation à comparaître le 7 octobre devant le tribunal correctionnel de Privas. « C’est très rapide comme délai », pointe l’élue. L’élue écologiste s’interroge sur la « priorité donnée à ce dossier » de port d’écharpe.
Travaux suspendus puis relancés
Avec ou sans écharpe, Maud Grard poursuit son engagement contre la déviation. En novembre 2024, les travaux ont été suspendus suite à un référé suspension déposé par les associations Alterre et Frapna Drôme. La suspension repose sur la faiblesse de l’étude d’impact produite en 2019. La Ligue de protection des oiseaux qualifie cette étude de « lacunaire » avec des « manquements graves », car elle n’a pas identifié d’espèces protégées, ni réalisé d’étude sur une année entière.
C’est ce qu’écrivent également les rapports de l’écologue Maxime Zucca et du bureau d’étude Asellia. Eux ont dénombré différentes espèces de chauves-souris présentes sur le site, ainsi que des écureuils roux. Autant d’espèces protégées.
Au printemps 2025, la préfète a repoussé la reprise des travaux au 1er septembre et exigé auprès de la communauté de communes Rhône-Crussol de déposer une demande de dérogation à la protection des espèces. Malgré l’absence de dérogation, les travaux ont repris le 2 septembre.
Un référé suspension a de nouveau été déposé. Mais le petit bois où se trouvaient les espèces de chauve-souris a été détruit avant le rendu de la décision fin septembre. « C’est la même technique que pour l’A69. Mettre la justice devant le fait accompli », dénonce Maud Grard.
Des opposants ont tenté d’arrêter les travaux en occupant le chantier, notamment avec des cabanes dans les arbres. Ils ont été délogés par les gendarmes le 29 septembre. Seize personnes ont été gardées à vue.

Toutes les voies de recours ne sont pas épuisées. Les associations Alterre et Frapna Drôme et Ardèche ont déposé deux recours à l’été 2024 et à l’été 2025. Au-delà de la destruction d’espèces animales et végétales, elles dénoncent une artificialisation des sols, la non-recherche d’alternatives à la déviation, la destruction d’un corridor écologique et l’utilisation de terres agricoles.
Terres détruites
D’après l’étude portée par la communauté de commune, le trafic routier de la zone augmentera de 40 % d’ici 2040. « On sait que lorsqu’on rajoute une route, on rajoute des véhicules, répond l’élue écolo. Personne n’a cherché d’alternative. À Saint-Péray, on a une gare fonctionnelle qui prend parfois des voyageurs. La coordination des bus entre eux n’est pas assurée et les pistes cyclables de la zone ne sont pas continues. »
En outre, le petit bois détruit le 29 septembre représentait le seul corridor écologique entre les coteaux de l’Ardèche et le Rhône, c’est-à-dire la seule connexion entre ces deux espaces naturels pour la circulation animale.
La chambre d’agriculture de l’Ardèche, présidée par la Confédération paysanne, a aussi réagi aux travaux. Une motion a été adoptée le 26 septembre – une seule voix s’y est opposée – pour alerter sur la spécificité des terres qui seront utilisées pour la déviation. Seules 4 % des terres sont arables en Ardèche et elles se trouvent au bord du Rhône, là où va être construite ladite déviation.