Alimentation bio et santé : ce que dit la science

par Campagnes solidaires

L’alimentation bio est-elle vraiment meilleure pour la santé ? Sa consommation régulière réduit le risque de cancer, selon une étude à laquelle a participé le biochimiste et nutritionniste Denis Lairon. Il dresse l’état des lieux des connaissances scientifiques.

Campagnes solidaires : L’alimentation bio est-elle vraiment meilleure pour la santé ?

Denis Lairon, directeur de recherche émérite à l’Inserm : Globalement, oui. Avec les centaines d’études scientifiques dont on dispose sur différents aspects de l’agriculture biologique, dont la santé, il y a déjà beaucoup d’éléments d’informations pour en tirer des conséquences. Et c’est pourquoi le ministère de la Santé recommande de manger bio depuis 2019.

Quels types de bénéfices les études scientifiques ont-elles mis en avant ?

Elles pointent la qualité nutritionnelle des aliments bio, c’est-à-dire ce qu’ils apportent en termes de nutriments. Les aliments végétaux bio contiennent plus de matière sèche (moins d’eau), souvent plus de minéraux (magnésium), davantage d’antioxydant comme la vitamine C (jusqu’à 50 % de plus). En l’occurrence, les légumes bio contiennent en moyenne 50% de moins de nitrates qui s’accumulent dans les végétaux (racines et feuilles). Les céréales bio, elles, ont moins de cadmium et sont souvent peu raffinées (pâtes et pains complets, etc.). Ce qui ressort sur les produits laitiers comme sur la viande, c’est la composition en lipides avec davantage d’acide gras polyinsaturés (+ 70% d’oméga 3).

Ce qui explique le différentiel entre les aliments végétaux bio et non bio, c’est surtout les méthodes de fertilisation et de rotations des cultures. Pour les produits animaux, les explications tiennent au type d’alimentation des animaux qui sont, pour le bio, systématiquement à base d’herbe pour les ruminants.

L’autre aspect concernant la qualité des aliments bio porte sur la réduction significative de la teneur en pesticides de synthèse.

Quasiment un aliment végétal sur deux est contaminé par au moins un résidu de pesticides de synthèse, selon un rapport publié en 2018 de l’agence sanitaire européenne (Efsa) qui analyse tous les cinq ans 85 000 échantillons de produits végétaux. Un tiers des échantillons ont des contaminations multiples par des résidus de pesticides – c’est le cas des pommes notamment. Le rapport français de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes publié en 2016 précise que 66 % des fruits sont contaminés, 40 % des légumes et 30 % des céréales.

Si on prend les aliments bio, la contamination par des résidus de pesticides de synthèse était de 1,9 % en France et 6,5 % au niveau européen. Pour les produits animaux, la réduction est significative dans les œufs (-81%) et le lait de vache (-87%).

Vous avez participé à une étude, publiée en 2018, révélant une diminution de 25% du risque de cancer observée chez les consommateurs « réguliers » d’aliments bio comparés aux non-consommateurs.

Cette étude s’inscrit dans la plus grande étude au monde sur le sujet, BioNutriNet, et est basée sur la cohorte d’adultes Nutrinet-Santé (plus de 100 000 personnes) suivis depuis 2009 en France. Dans les taux de cancers parmi les plus fréquents dans la cohorte, on a vu de très fortes différences pour le cancer du sein chez la femme ménopausée (-34%) et le lymphome non hodgkinien (-75 %). Nous avons aussi montré une réduction du risque de surpoids (-23%) et d’obésité (-31%), de risque cardio-vasculaire (-31%) et de diabète de type 2 (-35%). Après prise en compte des autres facteurs.

L’influence que pourrait avoir la qualité intrinsèque de l’alimentation bio est difficile à quantifier de façon précise. En revanche, on a quantifié les impacts de la contamination de l’alimentation par des mélanges de pesticides : on a montré un risque fortement diminué d’avoir un cancer du sein postménopause ou un diabète de type 2 quand on n’est pas exposé à un certain mélange. Les données scientifiques sont là, françaises et aussi étrangères, il faut les prendre en considération. Il faut vraiment une prise de conscience majeure si on veut sortir de l’impasse d’un système agricole dominant qui affecte fortement la société sur le plan de la santé et de l’environnement.

Recueillis par Campagnes solidaires

Cet entretien est tiré du dernier numéro de Campagnes solidaires, la revue mensuelle de la Confédération paysanne. Le dossier publié ce mois-ci est consacré au thème « Alimentation et santé ».