Cet article fait état de violences sexuelles.
Les « regards insistants », « transperçants » d’un commandant qui rejoint ses subalternes à pas de loup pendant leur quart ; une main posée sans consentement sur le haut d’une cuisse ou sur une fesse ; des femmes marins filmées à leur insu ; la peur ; et des carrières stoppées net.
Ce procès avait été annoncé comme le #MeToo de la marine marchande. Il n’en a rien été. Le jugement de l’« affaire Genavir », du nom de l’opérateur principal de la flotte océanographique française, filiale de l’Ifremer, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, a été rendu le 19 juin par le tribunal de Brest : relaxe quasi générale, à contresens des réquisitions de la procureure.
Christophe M., commandant de bord de la société Genavir, était poursuivi pour harcèlement sexuel et harcèlement moral. Il a été blanchi. De même que l’ancien dirigeant de la société Genavir et la société elle-même, sur le banc des prévenus en qualité de personne morale. Seul condamné, le chef mécanicien Philippe T.. L’homme a écopé de deux ans d’emprisonnement avec sursis et 3000 euros d’amende. Il avait reconnu deux agressions sexuelles ainsi qu’une tentative d’agression sur deux femmes de l’équipage.
D’autres bateaux, d’autres compagnies
La voix rauque et assurée, Magali* lâche : « Le rendu de ce procès, c’est un blanc-seing pour la perpétuation du sexisme et des agressions sur les bateaux de la marine marchande. » Magali est matelot. Elle s’est reconvertie sur le tard, attirée par « la liberté et la vie d’équipage ». Elle a accueilli la décision du tribunal avec colère. Car, pour Magali, les récits déroulés dans la salle d’audience n’ont rien d’inconnu.
Les faits décrits lui en rappellent d’autres, qui se sont produits sur d’autres bateaux, d’autres compagnies, impliquant d’autres commandants, d’autres collègues. Aurélie* confirme. Elle est officier et fait partie des six femmes qui ont mis en cause les prévenus (auxquelles s’est joint un homme). Bien qu’éprouvée par le procès et la violence des débats, elle a accepté de s’entretenir avec Basta!. Elle est formelle : « Je ne connais pas une femme dans la marine marchande qui n’ait pas subi de violences sexistes ou sexuelles. » Et d’ajouter : « C’est un système, des Genavir, il y en a plein d’autres. »
Basta! a recueilli la parole de dix femmes marins, qui témoignent de l’étendue des violences sexistes et sexuelles (VSS) à bord des bateaux de la marine marchande.
35,5 % des femmes marins victimes d’agression sexuelle
Porte-conteneurs, cargos, câbliers, mais aussi ferrys, bateaux affrétés pour des missions offshore, des opérations scientifiques voire du sauvetage en mer... En 2022, toutes embarcations confondues, la marine marchande comptait dans ses rangs 11 % de femmes, dont seulement 3 % des officiers. Ces deux chiffres trahissent une réalité : la présence des femmes à bord n’a rien de naturel.
Tragiquement ordinaires, au contraire, sont les violences qu’elles subissent. En 2017, dans le cadre d’une enquête réalisée par les sociologues Angèle Grövel et Jasmina Stevanovic, 35,5 % des travailleuses de la marine marchande interrogées déclaraient avoir été victimes d’agression sexuelle au travail (contre 10 % des hommes).
Parmi les femmes marins qui ont accepté de nous parler, la majorité a été dépositaire de récits d’agressions sexuelles subies par des collègues. Trois en ont été victimes directes. Parmi elles, Nadia*. Les faits qu’elle dénonce se seraient produits il y a trois ans, sur le bateau d’une ONG de sauvetage. Nadia est matelot. D’après son récit, au moment des faits, le bateau est à quai, l’équipe de travail est en effectif réduit.
Nadia est la seule femme. Une soirée se déroule à bord, organisée par l’équipage, qui est alcoolisé. Quand elle se réveille le lendemain, Nadia a peu de souvenirs de la veille. Les mois qui suivent, elle dort mal, angoisse, prend du poids. Elle finit par reconstituer le puzzle de sa mémoire : elle en est sûre, elle a été violée. Plusieurs éléments lui permettent d’identifier un collègue. Nadia a porté plainte en février 2025. Elle espère qu’une enquête sera menée.
Son histoire fait écho à celles de certaines plaignantes de « l’affaire Genavir », détaillées par Blast : des agressions sur fond d’alcoolisation, dans des interstices où le privé et le professionnel se mêlent. Élise* dresse sensiblement le même décor. L’affaire sur laquelle elle se confie remonte à un an.
Cette année-là, elle est membre d’équipage sur un gros bateau, un câblier. Voici son récit : un jour, en fin d’après-midi, alors qu’elle s’apprête à prendre son poste après une pause, elle croise des collègues sur le pont, à l’avant du bateau. Elle s’arrête pour partager une bière. Ils sont cinq à discuter, très éméchés. Tout à coup, l’un d’eux se colle contre elle, passe une main derrière son dos et agrippe sa fesse droite : « Tu abuses avec ton pantalon », lui souffle-t-il. Élise est « sidérée », elle ne sait pas comment réagir. Elle se décale, mais l’homme revient à la charge : il passe sa main autour de son épaule, jusqu’à son sein cette fois. Élise parvient finalement à le repousser « sèchement ».
« Tiens, une fille »
Les témoignages de Nadia et Élise illustrent les violences commises à bord. Dans la marine marchande, les facteurs de risque sont, de fait, nombreux. Léa Scarpel, ex-juriste à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), aujourd’hui consultante et formatrice engagée dans la lutte contre les VSS et les discriminations, a accompagné certaines plaignantes de « l’affaire Genavir ». Elle détaille ce qui, dans cet environnement de travail, fait le lit de telles agressions : « Un espace de travail en huis clos, un travail qui se fait en partie de nuit avec des horaires décalés, un corporatisme très ancré, l’éloignement familial et amical, une hiérarchie très marquée, des débuts de carrière précaires, des embarquements qui peuvent être longs, où se mêlent temps de travail mais aussi de repos, de l’alcool... »
Sur les bateaux, où les conditions de vie sont souvent rudes et où la frontière entre temps de travail et de convivialité est ténue, l’alcool est un vrai sujet. Certains commandants interdisent toute consommation (on parle alors de bateau « sec ») ou instaurent des jours « sans »... Ce qui ne suffit évidemment pas à assurer la sécurité des femmes. Car l’alcool ne fait pas toujours partie du tableau, comme l’expliquent Magali et Charlie*. Sur l’échelle de la violence, leurs récits se situent un cran en dessous des témoignages de Nadia et Élise. Ils disent pourtant quelque chose de l’ampleur du spectre des VSS.
Les faits que relate Magali relèvent du harcèlement sexiste. Il y a un an, elle a été embauchée en tant que matelot sur un remorqueur. Un job à plein temps, sur l’eau en permanence. C’est l’été, il fait chaud. Sur les temps de pause, une fois la journée terminée, ses collègues troquent leurs vêtements de travail pour des bermudas, elle ose le short. « Je ne pouvais pas croiser le capitaine dans les coursives sans qu’il me fasse une réflexion sur ma tenue et me dise :“Ça frôle le harcèlement !” À chaque fois – à chaque fois ! – qu’il passait près de moi il me glissait : “Tiens, une fille !” Et ce même capitaine, quand j’étais occupée à travailler sur le pont et qu’il y faisait son jogging, il faisait exprès de dévier un peu plus sa course à chaque tour pour venir me toucher l’épaule. J’ai fini sous les treuils pour éviter ses contacts. »
Le harcèlement sexiste dont Charlie dit avoir été victime s’est exprimé de façon plus insidieuse. Charlie a récemment passé deux mois en mission offshore sur un bateau de 80 mètres sous pavillon étranger. Elle est la seule femme à bord, au milieu d’une « quarantaine de bonhommes ». Embauchée comme matelot, ses missions auraient normalement consisté à effectuer des quarts aux côtés d’un officier ; à participer à l’entretien du bateau ; à mettre à l’eau des sonars ; à prendre part aux manœuvres d’appareillage et d’accostage...
« Au lieu de ça, quand je suis arrivée, explique Charlie, le commandant m’a dit : “On t’a surtout recrutée comme french speaker, on va croiser des bateaux français, on t’appellera pour traduire de jour comme de nuit. Avec moi, il n’y a pas de femmes sur le pont. Pas assez de muscles.” » Mise au ban, Charlie passe le plus clair de ces deux mois dans la salle de sport, presque totalement isolée de ses collègues. À la fin de l’embarquement, un autre matelot lui apprend, au détour d’une cigarette, que le commandant aurait interdit à l’équipage de lui parler. Raison invoquée : prévenir les risques de harcèlement sexuel.
Esprit de corps et hiérarchie défaillante
De quelle marge de manœuvre les femmes disposent-elles pour faire cesser ces agissements quand l’auteur est le commandant de bord ? « Dans ce milieu, c’est très compliqué de dénoncer un supérieur hiérarchique, d’autant plus quand il s’agit du commandant, considéré comme le “seul maître à bord” », observe Léa Scarpel après l’« affaire Genavir ». Ni Magali ni Charlie n’ont informé l’armateur de ce qu’elles avaient subi.
Pour Nadia et Élise, l’issue a été différente. De par la gravité des faits qu’elles relatent, mais sans doute aussi parce que leurs auteurs n’étaient pas leurs supérieurs hiérarchiques. Nadia a informé sa responsable du viol qu’elle dénonce. Elle estime avoir été correctement accompagnée par sa hiérarchie. D’après elle, une enquête interne a été menée, plusieurs personnes ont été interrogées, mais aucune n’a pu témoigner auprès de l’enquêtrice. De nombreuses violences se produisent en effet à l’écart de tout témoin. Reste que, « quand une agression survient à bord d’un bateau, il n’est pas rare que le collectif de travail soit très soutenant des auteurs », assure Léa Scarpel.
Élise aussi en a référé à sa hiérarchie. Bien que la scène ait eu lieu sous les yeux de plusieurs collègues, elle n’a pas pu compter sur leur témoignage. Quant à ses supérieurs, le commandant a d’abord semblé prendre la mesure de la situation et aurait proposé à Élise de débarquer son agresseur dès que possible. Il lui a également permis de contacter le Centre ressource d’aide psychologique en mer (Crapem) ; les référents harcèlement ont été saisis. L’affaire est remontée jusqu’à l’armateur, qui lui a assuré qu’il lui serait possible de ne plus embarquer avec l’homme qu’elle accuse.
Mais ces signaux encourageants ne tardent pas à être démentis. Dans l’évaluation qui suit sa mission, et que Basta! a pu consulter, son employeur lui recommande de « faire preuve de patience et de tempérance afin de maintenir un bon esprit d’équipage ». Selon Élise, au prétexte de flexibilité dans les plannings, l’armateur cesse rapidement de lui garantir qu’elle n’embarquera pas avec son agresseur. Enfin, des « bruits de coursive » font craindre à Élise que l’armateur ne se sépare d’elle. La CGT et l’inspection du travail ont été saisies. L’affaire suit son cours.
À entendre Louise Chopinet, également marin et cofondatrice d’Arimer, une association qui soutient les marins victimes de discriminations et de violences, le cas d’Élise n’est pas isolé, souligne-t-elle : « Il y a peu d’informations sur le sujet des violences sexistes et sexuelles, pas de protocole établi. Bien sûr, certaines choses sont mises en place, comme les référents harcèlement, mais il y a aussi pas mal de simulacres de respect des procédures : elles sont respectées sur le papier mais, dans les faits, elles sont souvent complètement incohérentes. Le sujet n’est pas compris. Ce n’est pas qu’une question de procédure, mais de culture. »
« Un entre-soi hyper viril »
La « culture » que dénonce Louise Chopinet constitue le terreau de ces agressions. « On est clairement dans un entre-soi hyper viril », confirme Léa Scarpel. Aurélie, qui a fait ses armes d’officier sur les bancs de l’École nationale supérieure maritime (ENSM), en a été témoin. Elle raconte : « Tu arrives là, tu as 18 ans et on te le dit direct : tu entres dans un milieu d’hommes. » Ce que cela implique ? « C’est un milieu très communautaire, il faut entrer dans le moule, intégrer les codes, rire aux blagues sales... »
Le ton est donné dès les premiers embarquements. Aurélie évoque l’exemple d’une compagnie pour laquelle les élèves devaient réaliser chaque jour les plaquettes des menus : « On imposait de mettre des femmes dénudées pour les illustrer. » Ce souvenir remonte à une dizaine d’années. À la même époque, Angèle Grövel et Jasmina Stevanovic répertoriaient l’exposition aux images pornographiques parmi les « atteintes sexuelles […] non verbales » les plus courantes dans le milieu.
Entre-temps, il y a eu #MeToo. Mais, sur les bateaux, la donne n’a pas vraiment changé. Alice* est officier et, comme d’autres témoins, elle assure qu’il est courant d’être confrontée à des posters et des photos pornographiques aux murs des bateaux ou sur les fonds d’écran d’ordinateurs de travail. Alice tient à préciser : « Je ne parle même pas de photos érotiques, mais de sexes de femmes en gros plan et de trucs trash de chez trash. »
L’ambiance est parfois la même lors des repas ou autour des bières partagées à l’apéritif. Magali évoque notamment un cargo, sur lequel elle a travaillé très récemment. Au cours d’un déjeuner à la table du commandant, ce dernier se serait amusé à « éduquer un jeune élève officier » en lui rappelant la tradition du recours à la prostitution chez les marins.
Charlie évoque des propos bien plus graves, tenus par le capitaine d’un bateau au sujet duquel elle ne donnera pas plus de détails, de peur de ne plus pouvoir y travailler : il aurait décrit, hilare et comme « un moment de franche camaraderie, une histoire de marin, de vrai bonhomme », sa participation à un viol en réunion sur un membre d’un autre équipage préalablement drogué. « Vrai ? Pas vrai ? En tout cas, c’était une démonstration de puissance. J’ai regardé mon assiette et j’ai eu très envie de vomir », raconte-t-elle. Une autre source, matelot sur des ferrys, rapporte quant à elle l’effroi ressenti face à des collègues évoquant en public des violences conjugales perpétrées sur leurs compagnes.
Quand elle est répétée, l’exposition non sollicitée à des images pornographiques ou à des propos à caractère sexuel (ici particulièrement violents) répond à une logique de harcèlement sexuel environnemental : les femmes marins ont beau ne pas être directement visées par leurs collègues, ces agissements dégradent leurs conditions de travail et entament la confiance qu’elles placent dans leur équipe et leur hiérarchie.
Des formations inopérantes
Une part de la solution au problème réside sans doute dans la formation. L’OMI, l’institution de l’ONU spécialisée dans les questions maritimes, l’a bien compris : à partir du 1er janvier 2026, le code de formation des gens de mer rendra obligatoire la formation sur les questions de violences et de harcèlement.
Du côté des armateurs, un seul de ceux sollicités par Basta! a souhaité communiquer sur la prévention contre les violences sexistes et sexuelles effectuée à bord de ses bateaux : il s’agit de Genavir, dont la réputation sur ce sujet est à rebâtir. Son service communication assure que la direction « accorde la plus grande importance à la protection de ses salariés et [qu’]elle est résolument engagée dans la lutte contre les agissements sexistes et tous les types de harcèlement ». L’entreprise rappelle qu’elle s’est dotée d’une politique « pour la prévention de ces risques » et d’« une procédure précisant la conduite à tenir par toute personne souhaitant signaler une violence sexiste ou sexuelle ». L’avenir dira si ces efforts ont été suffisants et ont permis d’éviter une nouvelle « affaire Genavir ».
Citons aussi la campagne « Face au harcèlement, toutes et tous sur le pont », lancée en juin 2024 « par l’ensemble du secteur maritime » avec le soutien du secrétariat d’État chargé de la Mer, proposant aux marins un site ressource dédié. Un outil de référence ? Le doute est permis. « C’est souvent difficile pour les marins d’appliquer le cadre établi à terre, ils ont tendance à avoir l’impression que les informations qu’on leur donne sont déconnectées de leurs réalités », estime de façon générale Louise Chopinet.
On sait aussi qu’Arimer aurait dû intervenir cette année auprès de l’université numérique des sciences de la mer (université de Nantes) pour une session de formation sur les questions de sexisme et de violences sexistes et sexuelles à destination des armateurs : le module a été annulé, faute d’inscrits. Certains sauvent l’honneur, assure pourtant Maria*, qui a connu le monde du yachting et celui de la pêche avant d’officier dans la marine marchande : « Sur des navettes à passagers dans le Sud, un de mes collègues a été éjecté de l’entreprise après avoir harcelé sexuellement un membre de l’équipage. »
Quant à l’ENSM, qui forme les officiers de la marine marchande, l’école dit sensibiliser élèves et enseignants à la question des VSS, notamment à travers de l’affichage. Des cellules d’écoute VSS sont aussi en place dans chaque établissement. Mais de sérieux problèmes semblent subsister ces dernières années. « On parle beaucoup des soirées d’intégration à risque, explique une de nos sources, sauf que le gros sujet, c’est certains professeurs qui font systématiquement remarquer la présence des femmes quand il y en a et qui, dans le cadre des apprentissages, font des remarques du type :“Faut y aller doucement, comme avec vos petites copines.” »
L’ENSM assure pourtant que « le personnel de l’école, comme les élèves bénéficient d’une formation annuelle obligatoire ». D’après son service communication, qui affiche la bonne volonté de l’école, « cette formation peut être intensifiée pour les enseignants ou [le] personnel vers lesquels le discours n’a pas abouti à un changement de positionnement ». Ces problèmes ne sont pas nouveaux : dans une grande enquête publiée en 2022, Le Monde faisait déjà état de propos problématiques émanant de certains professeurs. Les faits dénoncés remontaient à 2012.
« Lanceuses d’alerte »
En attendant que les lignes bougent, les femmes marins peuvent compter sur la solidarité de certains collègues. Mais c’est surtout la sororité qui semble parvenir à contrebalancer l’esprit de corps propice à l’omerta : « Les générations plus jeunes sont vraiment soudées, assure Élise. Même si certaines font comme s’il n’y avait pas de problème – une stratégie comme une autre pour se protéger et se fondre dans le moule. »
Un groupe fort de 180 femmes marins s’est constitué sur un réseau social. Elles y échangent conseils et informations, notamment sur le degré de sécurité des compagnies, s’y confient sur les difficultés rencontrées en tant que femmes. Elles y discutent aussi de l’actualité qui les concerne, comme le procès Genavir.
Dans cette affaire, le collectif aura fait la force : « Ces victimes ont fait preuve de beaucoup de solidarité. Si elles sont arrivées là, c’est qu’elles étaient plusieurs », salue Léa Scarpel, qui rappelle le coût payé par ces « lanceuses d’alerte » : « C’est un combat extrêmement lourd pour ces femmes, qui ont bouleversé une croyance selon laquelle les bateaux seraient des sortes de navires-îlots qui échapperaient aux règles de la vie terrestre. Dans ce combat, elles ont perdu beaucoup, à commencer par leur travail, leur santé a été impactée par les violences subies, etc. Et, plus de dix ans après les faits pour certaines, elles sont toujours en procédure afin de faire valoir leurs droits. »
À côté du procès pénal du printemps dernier, le tribunal judiciaire de Brest avait en effet condamné Genavir le 13 janvier 2022 pour manquement à son obligation de sécurité et de prévention, ainsi que pour harcèlement sexuel et agissements sexistes, mais débouté la plaignante de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Celle-ci ayant fait appel de la décision, une nouvelle audience s’est tenue le 2 octobre dernier devant la cour d’appel de Rennes. La décision sera rendue le 3 décembre. L’issue demeure incertaine, mais une lueur d’espoir pointe néanmoins à l’horizon : que désormais ce qui se passe à bord, ne reste plus à bord.
*Prénom modifié
